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Les voyages de Sinéad

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Carnet de voyages

Chapitre 1 – 1965-1976 Slieve Aughty, Comté de Galway, Irlande

Sinéad King naquît un beau matin d’avril dans la petite bâtisse en bois qu’habitaient sa mère Siobhan et sa tante, la sage Niamh. Nous étions alors en l’an 1965, une douce brise irlandaise serpentait entre les branches des ifs et des pins de la forêt des montagnes de Slieve Aughty. Le premier cri de Sinéad mit fin à l’épreuve de la parturiente qui put enfin serrer contre elle l’enfant qu’elle venait de mettre au monde. La sage Niamh avait, auparavant, pris soin d’emmailloter la petite tête rousse qui pleurait si fort que toutes les membres du clan de druidesses auquel elle appartenait désormais devaient l’entendre sans aucun effort ! Nul doute que chacune d’entre elles devrait venir rendre visite à la jeune mère et lui prêter maints conseils pour cette nouvelle aventure !

Siobhan et Niamh étaient des figures appréciées par la communauté, l’on respectait surtout la sage Niamh qui n’avait pas mérité son surnom sans raison. Lors des assemblées qui prenaient les décisions quant à l’avenir du clan, son avis était très souvent suivi bien qu’elle ne fût pas la plus âgée du village ! La communauté des druidesses de Slieve Aughty fonctionnait selon des lois simples et ancestrales : tout le monde, peu importe son âge et sa fonction, pouvait siéger à l’assemblée et apporter sa contribution aux débats. Un groupe de quelques femmes présidait tout de même ces assemblées et étaient élues selon des épreuves d’honnêteté et de magie. Niamh avait présidé ces rassemblements des années durant et s’était retirée, lasse de ces responsabilités.

Siobhan était une druidesse reconnue dans la communauté, notamment à cause de son caractère libre et indépendant qui l’avait poussée à voyager intensément toute sa vie durant. Rares étaient les femmes du clan qui décidaient de partir voir le monde et quitter la quiétude de leur forêt. C’est lors d’un ce ces voyages qu’elle rencontra le père de Sinéad, vraisemblablement, mais aussi les parents de celle qui allait devenir sa filleule. Elle resta en effet quelques années en Norvège et se lia avec la famille Kvelgen, même si leur vision du monde différait sur de nombreux points.

Comme le voulait la tradition, les femmes de la communauté se hâtaient jusqu’à l’habitation des King afin de venir rencontrer la nouvelle-née. Entre ces femmes rousses, blondes, brunes, vêtues de tissus colorés ou de leur simple appareil, courait une rumeur. On ne connaissait pas l’identité du père de l’enfant. C’était commun que l’une d’entre elle rencontre un homme à son goût en ville ou à Poudlard et ramène donc une enfant au sein du clan, mais la plupart du temps, on portait à la connaissance publique le nom du géniteur !
Les murmures cessèrent en un seul souffle alors que Niamh vint ouvrir la porte et sortit de la maison de bois. Elle fut suivie par la jeune mère, qui après un repos sommaire de quelques minutes et le premier repas de sa fille, venait porter aux yeux de toutes, le visage de Sinéad King, nouvelle-née de Slieve Aughty. Des applaudissements et des éclairs de lumière provenant de baguettes magiques surgirent de tous côtés à la vision de la charmante enfant rousse à peine née. Siobhan déambulait entre ses compagnes, faisant admirer le bébé par toutes et recevant des félicitations et accolades de ses amies. Plusieurs fois, on lui demanda le nom du père de l’enfant et la jeune femme ignora la question autant de fois.

Sinéad grandit donc dans cette atmosphère douce et harmonieuse, dans la nature verte et sauvage des montagnes du comté de Galway. Une fois par mois, elle aimait accompagner les femmes qui étaient désignées ou volontaires pour se rendre à Woodford vendre les produits de leur culture et de leur artisanat magique. Bien entendu, elles ne dévoilaient jamais leur réelle nature, et se cachaient derrière une réputation de peuplade hippie que leur avaient forgée les habitants du coin. La rencontre avec la ville, moldue qui plus est, était une véritable escapade dépaysante pour la jeune druidesse. Les habitants de cette petite ville dégageaient une aura morose et décadente qui ne dégoûtait pas la jeune enfant, contrairement à beaucoup des siennes. Sinéad ne cachait pas son intérêt certain pour les villageois, cherchant à tout prix à jouer avec les enfants du village. Mais les parents ne laissaient pas les jeunes jouer avec cette petite fille bizarre. Il faut dire qu’elle avait une sacrée allure, Sinéad. Des boucles rousses désordonnées entouraient un visage mince, cachant quelques peu des yeux immenses : deux petits lacs vert-bleus qui semblaient lire l’âme des humains qui osaient les regarder.

Cet aspect unique faisait dire aux rumeurs de la communauté toutes sortes de choses : l’on se demandait si le père de l’enfant était seulement humain. On imaginait toutes sortes d’histoire à propos du géniteur masculin qui était à l’origine de la naissance de Sinéad, lui prêtant souvent les traits d’un centaure que Siobhan aurait pu rencontrer lors de l’une de ses aventureuses promenades dans les forêts d’Irlande. Le fait est que même si son regard désarçonnait tous ceux qui s’y attardaient, l’enfant état d’une douceur incomparable et démontra très rapidement un talent certain pour la magie, une générosité sans borne et une application toute particulière à cultiver la terre et à se lier avec de petits animaux forestiers. Ceci alimentait bien sûr les rumeurs saugrenues de la communauté !

Siobhan enseignait à son enfant les rudiments de magie qu’on lui avait appris lors de son enfance à elle aussi, donnant les clefs de la maîtrise de son art à la petite. Sinéad devait avoir huit ans lorsque sa mère prit conscience que le don de sa fille dépassait de loin celui des autres enfants de son âge ! La petite rousse possédait un lien indéfectible avec la terre, parvenant à faire naître au creux des sillons à peine tracés par les laboureuses des variétés incroyables de plantes, allant de la lentille à la laitue ! On s’en émerveillait et l’on applaudissait ces prouesses et la jeune maman fut ainsi convaincue qu’il fallait envoyer Sinéad à Poudlard.

Les druidesses n’envoyaient pas systématiquement les enfants à Poudlard, préférant parfois les éduquer dans leur pure tradition et leur enseigner le maniement des potions et de leur magie, qu’elles exécutaient pour beaucoup sans l’intermédiaire de baguettes. Toutefois, d’autres faisaient le choix d’accepter l’invitation qu’Albus Dumbledore renouvelait tous les ans auprès des habitantes libres et indépendantes de Slieve Aughty. Sinéad tannait sa mère depuis des années déjà pour avoir la chance d’aller étudier à Poudlard ! Elle désirait plus que tout découvrir de nouvelles personnes, et faire le plus d’expérience possible.

Siobhan n’était pas allé à Poudlard, tout lui fût enseigné par sa tante, la sage Niamh qui l’avait élevée lorsque sa mère avait délaissé la communauté pour partir vivre en ville, avec un homme rencontré dans un troquet de Woodford. Cette histoire était taboue dans la maison des King et Siobhan en gardait un poids sur le cœur car sa mère avait totalement coupé les ponts avec ses anciennes compagnes et notamment avec sa propre fille, née d’une précédente conquête. C’était aussi pour cela qu’on imaginait mal Siobhan concevoir un enfant avec un citadin ! Et pourtant, malgré ce que pensaient bon nombre de druidesses, la jeune femme avait fréquenté plusieurs hommes et ne connaissait réellement pas l’identité du géniteur de Sinéad !

En 1970, naquit la petite Siobhan Kvelgen, nommée en l’honneur de la druidesse de la forêt de Slieve Aughty qui deviendrait sa marraine. Les deux membres de la famille King se rendirent alors en Norvège, afin de rencontrer la petite âgée d’à peine six mois. Sinéad est très interloquée par ce petit être, mais aussi par la Norvège, un pays froid mais dont la population est chaleureuse et cela éveilla sans doute son intérêt pour les voyages.

Chapitre 2 – 1976-1983 Poudlard, Ecosse

L’heure de partir à Londres pour le départ à Poudlard avait sonné à la fin du mois d’août 1976. Après des emplettes au Chemin de Traverses en compagnie d’une autre fille, Agate, qui entrait cette année aussi à l’école de sorcellerie, Siobhan et Sinéad s’étaient rendues sur la voie 9 ¾ et s’étaient séparées non sans un certain déchirement. A bord du train, la petite rousse trépidait néanmoins d’impatience de découvrir l’école dont on lui avait tant parlé… L’uniforme scolaire qu’elle dût revêtir la dérangeait, elle qui avait l’habitude de vivre couverte de peu de vêtements, et de parcourir les sentiers du village pieds nus !
Elle retrouva rapidement et au gré du hasard Sebastian O’Connor ! Ce jeune garçon, originaire d’un village où allaient commercer les druidesses, était l’ami de Sinéad et la raison principale de son engouement pour les sorties en ville ! Sebastian était l’enfant d’une famille renommée en ville, ancrée dans ses coutumes et ses principes, malgré cela et les regards désapprobateurs du patriarche familial, le garçon s’était lié d’amitié avec la fille de la forêt. Quelle n’était pas leur joie à l’idée de pouvoir passer plus de temps ensemble cette année à venir !

La cérémonie de répartition se déroula sans encombre et c’est sans surprise qu’elle rejoignit la maison des généreux et travailleurs Poufsouffles. Elle dénotait cependant beaucoup parmi les autres élèves et elle souffrit durant quelques semaines de solitude, telle qu’elle commença à regretter son Irlande natale et qu’elle fut presque sur le point d’écrire à sa mère pour lui demander de rentrer en Irlande. Finalement, elle décida de perséverer, elle ne se plia pas aux codes imposés toutefois ! Mais la compagnie de Sebastian lui permit de s’ouvrir aux autres, car Agate s’était rapidement fait une place dans la famille des Serdaigle et n’adressait plus la parole à son amie d’enfance, voisine de naissance de quelques semaines.

Au cours de ses années à l’Ecole de Sorcellerie, la jeune fille apprit à se fondre dans le monde tout en gardant sa singularité. C’était une confidente hors pair, une amie douce et qui ne prenait jamais partie dans les conflits, prônant le débat et l’équilibre de la nature. La nature lui manquait, toujours, elle supportait mal les murs pierreux et froids des bâtiments de l’école et l’idée de dormir dans les sous-sols du château lui déplaisait. A Slieve Aughty, Sinéad avait l’habitude de dormir sous les étoiles l’été, bercée en toutes saisons par la brise irlandaise qui l’avait accueillie à sa naissance… C’est pour cela qu’elle passa beaucoup de temps à visiter les êtres de l’eau du lac de Poudlard, à fréquenter les serres de botanique en compagnie de la directrice de sa maison qui était souvent estomaquée quant aux prouesses de la jeune sorcière. Certains soirs, elle allait même jusqu’à aller dormir sous les saules du parc de l’école, afin de retrouver un peu de ce contact avec la terre qu’elle chérissait plus que tout.

La Forêt Interdite attirait son attention plus que tout et elle s’y aventura bien souvent la nuit, rencontrant la meute de centaures qui y vivaient. Malgré leur fierté et leur désir de rester loin des Hommes qui ne les comprenaient pas, ils se prirent d’affection pour cette petite sorcière, cette petite flammèche rousse qui possédait les mêmes idéaux de paix et de protection de l’environnement que ces êtres forestiers. Elle passa ainsi de nombreuses nuits en leur compagnie, conversant de tout et apprenant à leurs côtés des enseignements précieux quant à la flore et à la faune magique et non magique des forêts britanniques. Leur magie était incroyablement subtile et leur maîtrise de l’astronomie, notamment était jalousement gardée, mais Sinéad fut initiée à ces méthodes ancestrales, preuve de la confiance qui régnait entre elle et le peuple de centaures.

Lorsqu’elle entra en sixième année, la petite filleule de sa mère, entra à son tour à Poudlard dans la maison du blaireau. Siobhan se lia très fortement avec Sinéad même si la plus jeune était plus intrépide et plus espiègle que la douce druidesse. Elle vint cet été-là, passer du temps chez sa marraine et apprit les rudiments du druidisme, devenant l’apprentie de Siobhan. Durant l’année, Sinéad s’employait à continuer cet apprentissage et tentait de lui expliquer les lois de l’équilibre naturel du mieux qu’elle pouvait. Un lien indéfectible les unissait mais des dissensions apparaissaient quant à certains sujets épineux puisque Sinéad avait pris le parti de ne jamais interférer dans le cours des événements et acceptait l’être humain dans tout ce qu’il avait de bon et de mauvais.

C’était là une caractéristique des druidesses : elles avaient tendance à se laisser produire les événements, vivant en dehors du monde et de ses changements. D’ailleurs, l’année de l’entrée à Poudlard de la jeune Siobhan coïncida avec la rupture du secret. La communauté de Slieve Aughty fut démasquée par les habitants de Woodford, mais les villageois avaient compris depuis longtemps que quelque chose ne tournait par rond avec ces dames. Finalement, on ne leur chercha pas d’ennui, d’autant plus que Niamh avait préféré dresser des sortilèges plus puissants pour protéger les femmes de la forêt. Ce ne fut donc pas un changement drastique dans le mode de vie de Sinéad, puisqu’elle avait appris depuis toujours à ne pas se cacher et à porter comme un étendard sa singularité déconcertante. Cela renforçait seulement son souhait de partir voyager à travers le monde, comme sa mère avant elle : elle pourrait ainsi découvrir les modes de vies et coutumes des peuples du monde sans avoir à dissimuler sa magie.

Sinéad était une élève appliquée dans les cours qui l’intéressaient, délaissant métamorphose et sortilège, elle excellait en botanique, soins aux créatures magiques, divination et potion. La magie pour la technique ne l’intéressait pas, sa baguette magique, classique en châtaignier et tige de dictame, très souple de 28,75 cm, ne lui étant pas essentielle pour exprimer son talent en sorcellerie. Elle finit sa scolarité avec des notes acceptables partout, si ce n’est un troll en histoire de la magie : potasser des bouquins n’était pas vraiment son fort. La directrice de sa maison la félicita plus que de raison pour ses résultats en botanique, attendus et espérés et lui demanda, si par hasard, elle ne souhaitait pas devenir élémentariste terre. Sinéad n’avait jamais réellement formulé ce lien si précieux qui l’unissait aux forêts et à ses habitants, mais elle garda cette idée en tête.

Quittant Poudlard, elle perdit de vue son ami Sebastian, qui partit faire carrière dans le monde du Quidditch, une discipline qui avait toujours laissé Sinéad pantoise car elle ne maîtrisait absolument pas le vol sur un balai. Elle préférait observer les pirouettes savamment exécutées par les joueurs lors des matchs de Poudlard, où Sebastian excellait bien entendu. Chacun prit alors son chemin pour de nouvelles aventures et Sinéad resta en contact avec des amis des années durant, de façon épistolaire et disparate bien souvent, mais la fidélité en amitié était une chose qu’elle ne pouvait que respecter !

Chapitre 3 – Septembre 1983 - Mai 1985 Lac Junttiselkä, Finlande

Après quelques semaines passées à Slieve Aughty en compagnie de sa mère et de la jeune Siobhan – qui poursuivait son apprentissage du druidisme, Sinéad se rendit à l’évidence. Elle devait quitter la quiétude des lieux, la douceur de la vie de druidesse libre de l’oppression sociétale. En effet, elle mourrait d’envie de voir le monde et c’est pourquoi elle reprit contact avec la directrice de sa maison à l’Ecole de Sorcellerie. Celle-ci lui recommanda de prendre contact avec Tannja, une druidesse finlandaise qui appartenait à une communauté d’élémentaristes et autres manciens vivant en autarcie quasi-totale.

Siobhan laissa donc partir sa fille, comme Niamh l’avait laissée partir jadis. Les druidesses King avaient un goût du voyage et une curiosité pour le monde sans borne et elle le savait plus que quiconque.

Au terme de longs échanges épistolaires, Sinéad avait obtenu une réponse positive de la part de Tannja, elle avait dû notamment motiver ses ambitions quant au fait de devenir élémentariste terre. cf le chapitre concerné pour l’acquisition du pouvoir d’élémentariste

Après un voyage long et éprouvant par divers moyens de transports, Sinéad arriva au Lac Junttiselkä, près de la ville de Pyhäjärvi en Finlande. Elle fut accueillie chaleureusement par le clan de Tannja qui lui permit de loger dans sa demeure en attendant qu’elle puisse elle-même se bâtir un abri. La vieille femme avait un regard qui reflétait l’intelligence et la puissance ; et en effet, les sorciers de Junttiselkä étaient des mages sans pareils, maniant aussi bien l’art des potions que des pouvoirs plus occultes. Bien qu’elle eût du mal à maîtriser le finlandais, l’irlandaise parvenait à se faire comprendre par des gestes et des mimiques qui déclenchaient parfois les sourires des puits de savoir auprès desquels elle avait l’occasion d’apprendre. Mais l’éducation ne se faisait pas à sens unique, et Sinéad prodigua bon nombre de conseils et délivra quelques enseignements quant aux pratiques de sa propre communauté.


Le druidisme était coutume dans les forêts européennes, mais il y avait bien des différences entre les mœurs et coutumes scandinaves et celtiques par exemple. Les druides et druidesses irlandaises avaient pour habitude de vivre séparés et le peu de clans qui existaient sur l’île ne se rencontraient que très rarement ou pour des circonstances particulières. A Junttselkä, Sinéad vivait dans une communauté mixte et les différents groupes de sorciers forestiers se retrouvaient deux à trois fois par an, ce qui lui permit d’acquérir d’autres enseignements et de rencontrer également ses premiers amantes et amants.

Elle coulait des jours heureux et resta dans cet univers enneigé, habité le plus souvent par la nuit et par des merveilles naturelles. Elle apprit la reconnaissance de nouvelles plantes, la maîtrise de nouvelles potions et surtout, elle acquit son pouvoir d’élémentariste terre dont elle était très fière et qui consacrait son attachement à Gaïa. Néanmoins, la vie excessivement autarcique de la communauté finlandaise finit par lui sembler monotone et un matin, elle décida de partir pour un nouveau voyage, pour un nouveau continent.

Après avoir quitté Tannja et l’avoir chaleureusement remerciée pour son initiation au druidisme scandinave, Sinéad revint à la civilisation, non sans mal et travailla quelques temps dans un restaurant miteux de la côte scandinave. Elle ne dépensait presque rien, trouvant sa nourriture dans la forêt comme le lui avaient appris les mages finlandais et finit par réunir une somme conséquente lui permettant de rejoindre Helsinki et d’y prendre un avion en direction de Chicago.

Chapitre 4 – Juin 1985 – Mars 1986 Route 66, Etats-Unis d’Amérique

Quel ne fut pas son dépaysement, à son arrivée en terre américaine ! Sinéad avait tout d’abord dû dépasser sa phobie de l’air et des avions moldus et faire confiance à la technologie que son peuple abhorrait tant. Une fois sur le sol américain, elle se fit la promesse de ne plus jamais voyager par voie aérienne. Sa confrontation au monde moldu, elle l’avait souhaitée, elle voulait voir notamment si la révélation du Secret quatre ans auparavant avait permis aux moldus et aux sorciers de vivre ensemble. Bien sûr, il persistait beaucoup de méfiance entre les deux peuples et Sinéad dû se rendre à l’évidence : espérer trouver des sorciers à Chicago sans connaître personne ici serait difficile.

Après quelques semaines à apprivoiser la ville, Sinéad utilisa ses derniers dollars restants de son job sur la côte finlandaise pour prendre des leçons de conduite et s’acheter une moto. Ce moyen de transport la fascinait et elle avait un réel don pour le piloter. Une rousse pas commune, qui semble venue d’un autre siècle et qui conduit une moto, bien sûr, cela attira le regard d’une bande de bikers, conducteurs de Harley. Les motards formaient une communauté soudée et sans préjugé qui plut beaucoup à Sinéad, alors elle les suivit dans leur voyage. Ils n’étaient que de passage à Chicago et comptaient rallier l’ouest par la fameuse Route 66.

En chemin, Sinéad se fit d’autant plus accepter par ces hommes, pourtant réputés pour être d’abjects rustres, en leur faisant part de sa condition de sorcière et de son habileté à prédire l’avenir. Dans les différentes villes où ils s’arrêtaient, chacun marchandait un peu de ses habiletés pour pouvoir continuer à rouler, libres et sans attaches et Sinéad vendit ses services de voyance qui attirait beaucoup les foules. Le soir, ils allaient ensemble boire des bières et des verres de whisky au bar de la bourgade perdue qui leur servait de foyer pour quelques jours, se racontant des histoires. Le chef du clan, B-blue était un ancien membre d’un gang et il relatait ses histoires de hold-ups et autres braquages, règlements de comptes dans les rues de San Fransisco, Iv était un ressortissant russe qui se disait réfugié politique car poursuivi dans son pays d’origine. Mais il y avait aussi Many, Jeffrey, Vik et Louis.


Ils rencontraient parfois des groupes ennemis ou amis et chacun était subjugué par la présence de Sinéad dans cette communauté excessivement masculine. Le groupe emmené par B-Blue était réputé pour être pacifiste et non criminel, les membres du clan étaient des anciens mafieux pour certains et chacun emmenait avec lui son lot d’ennemis mais aussi d’alliés. La renommée de B-Blue suffisait à les faire respecter en règle générale et la présence d’une sorcière aux cheveux de flammes et aux pouvoirs inimaginables permettait aux motards pacifistes de continuer leur chemin sans embrouilles. Quelques fois, Sinéad dût faire la preuve de ses pouvoirs en sortant sa baguette magique. Elle ne tua ni ne blessa personne, démontrant seulement l’étendue de sa magie en fissurant l’asphalte sous les roues des motos à l’arrêt des bikers ennemis. La magie de Sinéad leur permit aussi de semer des plantes comestibles et de les faire pousser dans des zones désertiques et ainsi de compléter leurs repas achetés en ville avec leurs maigres revenus.

Sinéad assista avec eux à des concerts de hard-rock et de métal, les musiques qui vibraient dans le cœur de ces sensibles à la cuirasse d’acier. Elle se trouva ainsi une passion pour ce genre musical, ces guitares, basses et batteries qui créaient comme une catharsis lors de ces shows d’une puissance incroyable.

Arrivé à Amarillo, au Texas, Sinéad décida de laisser là le clan de bikers qui l’avait pourtant si bien accueillie. Le vieux B-Blue la salua sans rancune, ainsi que tous les membres de la horde motarde, car ils avaient l’habitude de prendre des nouveaux voyageurs et de les laisser au gré de leurs trajets. Ils lui assurèrent que Sinéad, surnommé I-seer par la bande, serait toujours la bienvenue si elle souhaitait les rejoindre à nouveau.

A Amarillo, l’irlandaise vendit sa bécane et ses services de voyante. Cela lui permit de trouver une communauté sorcière au Texas. Mary Banks, vieille sorcière d’une soixantaine d’année, se chargeait de l’éducation des jeunes texan qui n’avaient pas les moyens de se rendre à Ilvermony. Ce fut la première personne que Sinéad rencontra qui ne l’apprécia pas. Elle fit tout son possible pour chasser la druidesse de la ville car elle mettait en péril l’ordre qu’elle avait établi – selon elle- et qui protégeait les sorciers des moldus, leurs oppresseurs. Afin de se débarrasser d’elle, Mary la recommanda auprès d’une agence de jeune fille au pair sorcière au Canada et lui paya même le voyage.

Il faut avouer que Sinéad avait également fait pression sur la vieille mégère car elle souhaitait depuis longtemps aller au Canada. La vieille femme avait dû se rendre à l’évidence quant au fait que la druidesse était bien plus puissante qu’elle et que son intérêt était de la faire partir le plus vite possible d’Amarillo.

Chapitre 5 – Mars 1986 – Août 1987 Placentia, Péninsule d’Avalon, Canada

L’agence de jeunes filles au pair magique permettait aux jeunes qui le souhaitaient de rejoindre des familles partout autour du globe en leur permettant de voyager par portoloin. Mary Banks mit en place à ses frais le portoloin qui permit à Sinéad, d’atterrir un matin de mars à Placentia, une petite bourgade de la Péninsule d’Avalon au Canada. La ville était située sur une petite presqu’île dans la province de Terre-Neuve-Et-Labrador, un environnement marin qui avait le charme des atmosphères autarciques car peu accessibles.

La famille qui l’accueillit était tout ce qu’il y a de plus normal et rangée. Les deux enfants Ludowickz, Stefanie et Joseph, étaient encore trop jeunes pour rejoindre Ilvermony et les parents, Theresa et Orest, étaient les propriétaires respectés d’une herboristerie sorcière dans le quartier sorcier de la ville. Orest Ludowickz était un homme originaire de Pologne, issu d’une famille de médicomages, il avait choisi d’aller étudier les plantes médicinales et magiques à Berlin où il avait rencontré Theresa. Ils avaient réussi à fuir le régime communistes grâce à une résistance sorcière qui permettait aux familles sorcières de quitter un régime qui n’acceptait pas leur existence au lendemain de la révélation du Secret.
Theresa et Orest arrivèrent alors à Placentia où vivait une communauté sorcière soudée qui accueillait les réfugiés du communisme en 1981 et mirent au monde Stefanie et Joseph et fondèrent leur herboristerie.

Sinéad arriva à son tour dans la vie de cette famille aisée mais sans excès, qui avaient vécu assez d’horreurs et de stigmatisation pour ne pas juger la jeune druidesse et l’accepter bien au contraire. Stefanie et Joseph étaient des jumeaux de dix ans, disciplinés mais espiègles. Le rôle de Sinéad était de leur apprendre à manier leur magie avant leur entrée à l’école de sorcellerie l’an prochain. Elle participa aussi au développement de l’herboristerie familiale en apportant ses connaissances. Elle passa des heures entières à échanger avec ces deux passionnés de botanique concernant les usages de telle plante ou telle mousse.

La vie en ville était douce et Sinéad put y retrouver les forêts qu’elle aimait tant. Elle ne regrettait aucunement son épopée américaine mais elle préférait ce mode de vie naturel plutôt que celui tout à fait artificiel de baroudeuse de la Route 66. Elle emmenait Joseph et Stefanie dans la forêt canadienne afin de s’imprégner de l’aura mystique des lieux, pour y apprendre à contrôler leur magie dans une moindre mesure. Lors de ces excursions, Sinéad leur montrait nombre de plantes et leur contait la vie de druidesse et ses voyages. Ils rencontrèrent des animaux sauvages qui s’approchaient de la rousse sans crainte car elle n’avait jamais eu le désir de posséder un seul être de cette Terre et cela, les animaux peuvent le ressentir.

La fin de son contrat arriva et comme Sinéad leur avait fait part de son souhait de rentrer en Europe pour éventuellement s’établir dans sa propre herboristerie grâce à l’argent gagné cette année-là, Orest lui recommanda de gagner la Pologne. Il écrivit à ses frères restés dans leur ville originale, les événements étaient sans prise sur cette ville coupée du reste du pays, bien que située non loin de Varsovie. Les deux frères Ludowickz étaient des médicomages estimés qui ne rechignèrent pas contre l’aide que pourrait leur apporter une botaniste aussi bien instruite que Sinéad. C’est ainsi que la druidesse regagna l’Europe, en portoloin toujours, bien décidée à s’installer définitivement si l’environnement lui plaisait à Kozienice.

Chapitre 6 – Septembre 1987 – Avril 1988 Kozienice, Pologne

A la toute fin du mois d’août 1987, Sinéad quitta donc la famille Ludowickz pour rejoindre les frères d’Orest : Piotr et Leon. Piotr était un homme solitaire, taciturne et silencieux, alors que Leon était un véritable moulin à paroles que l’irlandaise peinait à comprendre avec les rudiments que lui avait enseigné leur frère exilé. Elle décida néanmoins que si elle était parvenue à maîtriser le finlandais qu’elle parlait encore de façon épistolaire avec Tannja, elle devrait réussir à apprendre le polonais ! Cette langue lui résista quelques semaines, le temps qu’elle parvienne à monter son entreprise.

La forêt était omniprésente autour de Kozienice et Sinéad s’installa sans peine à l’abri de la population de la ville, dans une maison de bois qui n’était pas sans rappeler la maison qu’elle habitait avec Siobhan et Niamh. Elle devint alors une proche collaboratrice des frères Ludowickz qui vivaient leur profession avec passion et dévouement, ils soignaient aussi bien les moldus que les sorciers et possédaient des rudiments de médecine magique et non magique. Sinéad les accompagnait lors des chirurgies qu’ils réalisaient ou des accouchements, en parallèle de son propre commerce d’herbes médicinales. Si au début elle se contentait de cueillir les herbes, elle parvint à faire passer en contrebande des graines du monde entier par le biais de Theresa et Orest, qui lui permirent de faire pousser ses propres plants.

Elle gagna vite une renommée dans la population de Kozienice et chacun lui présentait son respect profond et son amitié. Sinéad appréciait le commerce car cela lui permettait de venir en aide à son prochain tout en se liant avec des hommes et des femmes de tous âges : elle vivait pour ce contact avec les personnes. Chaque soir, cependant, elle appréciait de s’en retourner vers son havre de paix forestier. Parfois, elle restait en ville chez les Ludowickz, notamment quand des urgences l’avaient rappelée au chevet de ses malades. Elle se rapprocha beaucoup de Piotr, Leon était un bout-en-train qui passait ses nuits dehors, à écumer les bars, usant de son charme et de sa réputation pour attirer à lui des femmes, parfois mariées, toujours splendides. Piotr était bien plus dévoué que Leon à son art et Sinéad admirait l’homme d’une dizaine d’années son aîné. Piotr était secrètement amoureux de la rousse depuis quelques mois, et un soir il lui fit sa déclaration.

Sinéad exécrait plus que tout perdre son indépendance et elle n’aurait pu imaginer tomber dans les bras d’un homme et se laisser vivre à ses côtés. Bien qu’elle désirait s’installer à Kozienice tant la ville et la population lui paisaient, elle ne voulait pas pour autant s’arrimer à tout jamais au bras d’un être humain, fut-ce pour quelques jours, un an ou toute une vie. Piotr comprenait cela, ils entretinrent une relation de complicité où il ne fut plus jamais question d’amour ni de quoi que ce soit d’autre. Sinéad se perdit néanmoins dans des bras de passages, des femmes et des hommes qui n’étaient pas voués à rester en ville ; cela acheva de faire comprendre au polonais transi que sa belle rousse tenait plus à lui qu’à n’importe lequel de ces autres et il se contenta de la belle et pure amitié qu’elle lui donnait, laissant partir peu à peu ses sentiments.

La druidesse était ainsi bien décidée à rester un bout de temps à Kozienice et alors qu’elle allait s’apprêter à inviter sa mère à lui rendre visite, elle reçut un hibou de sa part. Le pauvre animal avait parcouru bien des kilomètres jusqu’à elle et la nouvelle qu’elle apprit lui glaça le sang. Elle savait bien que cela devait arriver à un moment ou à un autre… Niamh était gravement malade et très certainement décédée au moment où elle avait reçu la missive. Elle prit ses affaires, quitta les deux hommes et comme elle ne pouvait les assurer de son retour, elle leur céda l’herboristerie.

Chapitre 7 – Avril 1988 – Janvier 1990 Slieve Aughty, Comté de Galway, Irlande

Sinéad relia donc les réseaux sorciers qui lui permirent de quitter le bloc communiste et prit à nouveau l’avion pour l’Irlande à partir de Munich bien qu’elle s’était promis de ne jamais utiliser à nouveau ce moyen de transport. Après quelques semaines de voyage, elle se retrouva dans sa communauté, à Slieve Aughty après cinq ans d’absence. Le hasard fit qu’elle arriva le jour de la mort de sa bien-aimée tante et qu’elle put ainsi l’accompagner dans ces derniers instants en compagnie de Siobhan et de sa cousine Saoirse, l’autre nièce de Niamh.

La cérémonie d’adieu à Niamh fut respectueuse et toutes pleurèrent cette femme sage qui s’en allait des suites d’un mal que nulle d’entre elles ne put guérir. On pratiqua les embaumements rituels, chanta les chansons traditionnelles et enterra le corps sans vie de la druidesse de la forêt dans le cimetière des femmes de Slieve Aughty.

Sinéad s’installa à nouveau avec sa mère, qui était inconsolable. Elle parvint, semaine après semaine, à lui redonner le goût de la vie, l’emmenant pour des promenades sans fin dans les contrées verdoyantes de leur montagne. Ce fut cependant le rapprochement de Siobhan et d’Alayna, une druidesse qu’elle ne côtoyait pas habituellement et qui avait perdu sa bien-aimée quelques mois auparavant, qui lui permit de faire le chemin du deuil. Alayna était une femme douce, blonde et à l’écoute et Siobhan, l’énergique et flamboyante druidesse trouva en elle un amour qu’elle n’avait jamais ressenti pour personne jusqu’à présent.

Alors que sa mère reprenait des forces et qu’elle semblait chaque jour plus heureuse que le suivant, Sinéad devint respectée par la communauté lors des assemblées. Ses voyages, les vies en communauté qu’elle avait menées jusqu’à présent lui permettaient de posséder des points de vue différents et novateurs, ainsi fut elle élue pour présider les assemblées. Elle réussit tous les tests : le test d’honnêteté démontra qu’elle était toujours restée fidèle à ses valeurs, sans jamais voler, blesser, ni tuer qui que ce soit ; les tests d’aptitude magiques prouvèrent son habileté pour les potions, sa grande connaissance des herbes et des remèdes et surtout sa puissance car entre temps, la jeune femme était devenue une élémentariste douée et elle était la seule à posséder cette capacité dans le clan.

Ainsi, elle tâcha de mener du mieux qu’elle put les décisions de la communauté et son grade lui permit même d’être désignée pour célébrer l’union des deux aimées Siobhan et Alayna. Lorsque deux druidesses de la communauté souhaitaient s’unir pour le restant de leurs vies, ou le temps que leur amour resterait, il était commun que l’on célèbre ces unions dans une liesse immense. On invita toutes les connaissances de l’une comme de l’autre et le jour du solstice d’hiver de l’année 1989, la cérémonie eut lieu.

Il faisait froid certes, mais les druidesses avaient allumé tant de feux que la neige autour de l’autel d’union fondait goutte à goutte. Lors de la fête qui suivit cet événement, Sinéad put retrouver Agate qui était la cousine d’Alayna et n’avait donc pas pu rater l’occasion de l’union pour revenir dans sa communauté. La jeune sorcière avait totalement trouvé sa place dans le monde moderne et était devenue médicomage à l’hôpital Sainte-Mangouste à Londres. L’amour qui régnait dans cette atmosphère ou l’alcool traditionnel des druidesses finit par rapprocher les deux jeunes femmes et baisers et étreintes habitèrent leur fin de nuit.

Agate était une femme intelligente et enjouée, qui différait en tout point de Sinéad de par sa vision du monde. Même si elle restait attachée à sa communauté, elle ne souhaitait pas y rester vivre et elle ne comprenait pas que la voyageuse qu’était Sinéad puisse se complaire à y passer le restant de ses jours. En effet, cela trottait dans l’esprit de la rousse depuis quelques temps déjà et comme toujours, il ne lui fallu pas beaucoup de réflexion pour prendre la décision de partir. Elle démissionna de son siège à l’assemblée, embrassa sa mère et sa toute nouvelle compagne et partit, accompagnée elle aussi.

Chapitre 8 – Janvier 1990 – Avril 1990 Paris, France

Elle avait décidé de suivre la belle Agate à Paris, là où la jeune femme avait dégoté un emploi de médicomage. Elles apprirent ensemble le français et Sinéad profitait de la capitale française, cherchant un emploi quelconque et vendant ses services de divinatrices comme jadis aux Etats-Unis.

Les jours passaient et les deux femmes étaient plus liées que jamais, partageant souvenirs d’enfance communs et souvenirs de voyages divers. La rousse se plaisait bien dans les bras de la blonde, mais l’univers immaculé de leur appartement dernier cri dans la métropole européenne lui faisait rêver d’ailleurs, de liberté et de nature. Elle s’engonçait dans un train-train digne d’une femme au foyer, attendant les retours tardifs de son amante ; elle s’ennuyait.

Alors, un soir, elle expliqua à Agate qu’elle devait partir, pour son bien, elle devait quitter Paris, s’en aller ailleurs, voir du monde, voir la nature, voir LE monde. Agate ne comprenait pas, elles étaient pourtant si bien, que faisait-elle de leur amour ? Sinéad avait le cœur en milles morceaux lorsque la blonde refusa tout net de l’accompagner en voyage. La vie avait décidé de les séparer et il fallait qu’elle l’accepte, la citadine ne serait jamais son âme sœur, comme Alayna l’était pour Siobhan. Alors, elle s’en alla, sans regarder en arrière, peut-être était-ce pour ne pas qu’Agate puisse apercevoir les larmes qui perlaient de ses yeux ?

Chapitre 9 – Avril 1990 – Octobre 1990 Meknès, Maroc

Un avion encore, un nouveau pays : le Maroc. La druidesse avait choisi ce pays au hasard, car elle tenait à s’aventurer sur le continent africain qu’elle ne connaissait pas encore. Siobhan lui avait parlé d’une tribu de sorciers animistes du Congo chez qui elle avait vécu quelques mois et l’expérience enrichissante qu’elle en retirait attirait beaucoup Sinéad. Mais elle souhaitait commencer ses pérégrinations africaines par la Maroc.

Elle atterrit donc un midi d’avril à Rabat, puis voyagea par bus vers la ville qui l’attirait tant. Elle avait vu à Paris des guides de voyage faisant l’éloge de la grandiosité de la ville impériale. Là-bas, Sinéad se perdit dans les souks, les marchés aux épices et rencontra un artisan sorcier. Aveugle, il fabriquait des baguettes magiques aux détails saisissants. Elle n’avait pas les moyens de s’acheter une telle merveille, alors Sinéad supplia le vieil Abdou de lui apprendre son art. Ils passèrent des heures sans parler, la rousse copiant avec application les gestes assurés du mage dont les mains sculptaient des chefs d’œuvre. La complicité du maître et de l’élève qu’elle avait connu avec Tannja en Finlande renaissait avec l’homme qu’elle côtoyait tous les jours.

Travailler le bois était un jeu d’enfant pour Sinéad, qui, en sa qualité de géomancienne, possédait l’habileté de modeler selon ses envies les matériaux issus de la Terre comme le bois, le verre et les métaux. Elle avait aussi la capacité de trouver les pierres précieuses cachées dans les entrailles de la planète, mais la plupart du temps elle s’en gardait bien, sachant que cela pouvait causer une dépendance aux diamants et autres gemmes…

Sinéad logeait dans un hôtel peu cher de la ville et vendait ses divinations aux touristes, se fondant dans le maillage marocain. Tous les matins, elle rejoignait Abdou dans son échoppe et continuait son apprentissage. Au bout de quelques jours, elle maîtrisait les rudiments de la création de baguettes magiques, et en quelques semaines, elle parvint à sculpter sa propre baguette en bois de thuya, poudre de corne de Ngoubou, relativement souple de 28,75cm. Le vieil Abdou salua donc la druidesse qui s’en repartait avec un présent sans pareil.

Avant de faire ses adieux à Meknès, la rousse souhaitait se rendre dans un salon de thé typique du Maroc une dernière fois. Elle s’installa donc seule à une table d’un petit établissement non loin de l’échoppe d’Abdou et commença à siroter un thé à la menthe délicieux et revigorant. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’un homme charmant, brun aux yeux sombres d’une profondeur à couper le souffle vint à sa rencontre, lui demandant la permission de s’asseoir à sa table. Elle accepta sans réfléchir et s’en suivit une conversation enrichissante, passionnante même. Derek, il s’appelait, l’écouter conter ses périples multiples d’un air concentré. C’était la première fois qu’elle avait l’occasion de se confier, sans être elle l’oreille attentive que nécessitaient ses amis. Elle était un peu réticente au début, puis se perdit dans un récit long et tortueux.

Elle était tombée sous le charme du sorcier américain en quelques minutes, quelques secondes. Tant et si bien qu’ils se baladèrent dans les rues de la cité marocaine jusqu’à la tombée de la nuit, nuit où ils gagnèrent les appartements luxueux de Derek pour y finir tendrement cette douce rencontre. Ils passèrent ensuite des mois ensemble, sillonnant le Maroc, visitant tout ce qu’il y avait à visiter, goûtant tout ce qu’il y avait à manger, à boire et en s’aimant plus que de raison. Sinéad était aveuglée par l’amour qu’elle portait à cet étrange sorcier, ne prêtant jamais attention aux hommes patibulaires qui l’accompagnaient partout, se contentant de s’inventer des myriades d’histoires sur le passé ténébreux de son bel amoureux. Son passé ? Elle ne s’en souciait guère du moment que leur avenir ensemble était scellé. Elle savourait chaque instant en sa compagnie.

Derek avait tout : le charisme, le charme et la générosité qu’elle recherchait chez les personnes qu’elle aimait. Il lava tous les torts qu’avaient pu lui causer ses précédentes relations, notamment Agate, par sa diligence extrême et sa douceur. Douceur qui s’associait parfois à des accès de rage inconsidérés et inexpliqués, mais parfois Sinéad le trouvait énervé sans raison mais encore une fois, peu lui importait du moment qu’elle pouvait passer la soirée dans ses bras protecteurs. Mais son cœur fut brisé en mille morceaux un matin de septembre, Derek disparu de sa vie. L’homme sur lequel elle s’était le plus appuyée, s’étant construit autour de lui, ayant grandi pour lui, avec lui, dans l’amour incommensurable qu’elle lui portait.

Elle s’était rendue tôt au marché du village où ils faisaient escale, de quoi acheter des denrées pour le petit déjeuner en échangeant contre ces produits un petit rubis qu’elle avait fait sortir de terre la veille. Sinéad avait commencé à utiliser son don avec les pierres précieuses sous l’impulsion de son aimé, qui trouvait bien dommage que la druidesse n’utilise pas ce potentiel. Il lui avait dit qu’elle serait forte, qu’elle résisterait à leur appel. C’était ce qu’elle faisait jusqu’à présent, contrôlant cette faim qui grouillait au creux de son ventre. Elle revint alors à leur hôtel et trouva la chambre, qu’elle avait quittée quelques minutes auparavant, vide. Plus aucune trace de Derek, comme s’il n’avait jamais existé, comme si elle avait rêvé ces mois à ses côtés. Elle pleura comme jamais, effondrée sur le sol. Puis, elle se releva, son regard fulminait de haine et de rancœur. Il l’avait laissée sans un mot, sans un regard en arrière, lui qui lui promettait la Lune, avait meurtri son cœur à tout jamais. Elle ne lui laisserait pas le pouvoir, ne le laisserait pas l’atteindre en pleurant encore et toujours sa perte. Il faudrait du temps avant qu’elle avance, du temps et des efforts de sagesse et de détermination. Pour le moment, elle voulait quitter tout ce qui la ramenait à lui et prit – avec un autre rubis trouvé le matin même – un car pour le Congo.


Part. 1
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Carnet de voyages

Chapitre 10 – Octobre 1990 – Juin 1992 Forêt du Congo

Arrivée au Congo, Sinéad envoya un message au chef d’un village de sorciers animistes qui en peuplaient l’immense forêt. Sa mère avait séjourné là-bas des années auparavant et l’avait mise en relation avec Longi. Il lui répondit quelques jours après son arrivée qu’il viendrait la chercher à Brazzaville dans la semaine. Elle ne comprenait pas comment il pouvait espérer la retrouver dans la capitale politique du Congo, une ville en plein essor. Finalement, un soir d’octobre, un homme grand et à l’allure sage, ainsi que deux jeunes hommes d’une vingtaine d’années vinrent frapper à la porte de son hôtel et Sinéad comprit qu’elle avait bien affaire à l’homme dont lui avait parlé sa mère.

Ils partirent ensemble jusqu’à la forêt, traversant des étendues immenses et Sinéad se sentait revivre à mesure qu’elle s’enfonçait dans cette nature énigmatique. Ils parlaient comme ils le pouvaient, par gestes principalement. Longi parlait bien anglais et tâchait d’apprendre les rudiments de leur dialecte à la druidesse qui n’en était plus à son premier apprentissage linguistique. Au bout d’une semaine de marche, ils arrivèrent dans l’épaisse forêt d’Afrique centrale, avançant à pas de loups dans la végétation luxuriante pour ne pas attirer des bêtes magiques et mystérieuses qui la peuplaient. Quelques jours après encore, au cœur d’une clairière dans la forêt, Sinéad et ses compagnons arrivèrent au village de ses compagnons de marche. Le charme des lieux n’était pas sans rappeler la quiétude de son village natal de Slieve Aughty. Elle se sentit immédiatement chez elle et ce sentiment d’appartenance fut renforcé par l’accueil qui lui fut réservé par les habitants de cette zone inconnue pour le reste du monde.

Siobhan avait vécu ici pendant cinq ans, peu avant la naissance de sa fille. Elle avait, semblerait-il, laissé un souvenir impérissable à la cité forestière. Le soir de son arrivée, lors de la fête qui fut organisé en l’honneur de l’invitée tant attendue, Sinéad rencontra une jeune fille métisse, aux yeux qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau aux yeux vert émeraude de sa mère. Ses traits rappelaient aussi ceux de la druidesse. Elle fut troublée d’apprendre qu’elle était en réalité face à sa sœur Meriel. Meriel était la fille de Siobhan et de Longi, sa sœur de sept ans son ainée qui lui raconta que sa mère était partie peu après sa naissance, laissant son enfant à la forêt où elle appartenait. Siobhan n’était pas prête pour avoir une enfant, mais elle lui rendit visite, souvent et Meriel ne gardait que peu de rancœur envers sa mère si peu présente. Elle avait grandi avec Longi et sa deuxième épouse, Maka, qu’elle considérait plus comme sa véritable mère. La seule chose qui lui restait de la druidesse était ses yeux émeraude et son prénom, irlandais comme celui de sa sœur.

Apprendre cette nouvelle fit reconsidérer l’image de mère parfaite qu’elle entretenait dans son esprit concernant Siobhan, elle ne comprenait pas comment elle avait pu abandonner sa fille et partir si rapidement après sa naissance, se contentant de faire de brèves incursions dans sa vie de temps à autres. Déjà détruite par la disparition de son cher et tendre, elle décida de ne plus répondre aux hiboux que lui adressait la druidesse sous le regard désapprobateur de celui qui fut le premier amour de sa génitrice.

Elle passa alors deux ans, deux ans, coupée du reste du monde, vivant comme le peuple de la forêt qui l’avait accueillie comme une enfant de la communauté, trouvant vite ses marques dans le travail exigeant que nécessitait la survie dans une terre hostile et aucunement ravagée par la main de l’Homme. Elle apprit auprès de Meriel que son peuple prêtait une âme à chaque arbre chaque herbe, chaque animal et chaque pierre de la planète et elle apprit à témoigner à la Terre un profond respect qu’elle possédait déjà bien entendu. Cela la fit encore progresser dans ses habiletés d’élémentariste, lui donnant un contrôle supérieur à la force qui l’habitait. Elle assista à des rituels occultes de magie. Comme son peuple d’origine, les habitants de la forêt n’utilisaient pas de bâton ou d’autre intermédiaire entre leur magie et eux, démontrant ainsi leur habileté sans pareil.

Elle envisageait de rester à tout jamais Sinéad, elle ne recevait plus de hibou de la mère qui l’avait déçue et se pliait à la perfection aux coutumes de son peuple d’adoption. Elle avait des amants et des amantes dans la communauté et se voyait bien finir sa vie dans ce lieu magique et retiré du monde qui lui permettait de se lier encore et toujours plus avec la forêt et la nature. Seulement voilà, comment ignorer cette envie d’explorer le monde ? De partir à sa conquête ? Le peuple de la forêt vivait en autarcie totale, replié sur lui-même dans la profondeur végétale. Longi, celui qu’elle considérait dès à présent comme son père, lui fit comprendre qu’elle devait écouter son cœur, même si elle ne reviendrait certainement jamais les voir, il savait à quel point ils comptaient pour elle à présent. Elle profita du fait que Meriel souhaitait elle aussi quitter la communauté forestière pour s’établir en Europe et pouvoir apprendre un métier lui permettant de voyager elle aussi. Sinéad lui avait appris à lire et à écrire l’anglais durant ces années passées dans la forêt et la jeune femme lui avait alors témoigné son envie d’aller étudier la médecine occidentale pour l’associer à ses connaissances actuelles en la matière.

Longi, le sage devin, avait raison, comme toujours et elle partir avec sa demi-sœur à Brazzaville, où leurs chemins se séparèrent. Sinéad voulait voir le Kilimandjaro et Meriel se rendait en Angleterre. Après les adieux au village de la forêt congolaise, les au revoirs avec sa sœur furent déchirants et elles se promirent de se retrouver coûte que coûte et d’au moins rester en contact. Une telle amitié, une telle complicité était faite pour durer. Avant de partir pour la Tanzanie, Sinéad envoya un hibou à Siobhan pour lui témoigner son pardon et l’assurer que si elle ne comprenait pas pourquoi elle avait laissé Meriel grandir sans elle, elle ne lui en tenait finalement pas rigueur, comme sa sage demi-sœur l’avait fait avant elle.

Chapitre 11 – Juin 1992 – Mai 1994 Machamé, Tanzanie

Sinéad s’en alla donc au pied du Kilimandjaro et élit domicile dans la ville de Machamé. La Tanzanie et ses plaines arides qui bordent le mont le plus haut d’Afrique étaient bien loin de sa forêt congolaise. A peine reposée de son voyage, la druidesse entama son ascension du Kilimandjaro et si le début de sa montée fut laborieuse, elle se trouva bien vite une habileté extraordinaire pour escalader les roches. Au fur et à mesure qu’elle gravissait les mètres de hauteur de la montagne, elle sentit en elle une force nouvelle l’habiter. La force qu’elle tirait de la Terre et qui grouillait dans ses pieds, dans ses jambes pour jaillir partout en elle lui intimait de continuer, d’aller plus haut. Elle n’était pas attirée par le ciel, mais poussée, poussée par Gaïa. Elle ne s’arrêtait presque pas, dormant quatre ou cinq heures seulement car elle profitait de la douceur de la nuit pour marcher.

Les choses se corsèrent quand elle arriva aux neiges sommitales du volcan endormi, mais elle s’enveloppa comme elle put dans le châle qu’elle transportait avec elle. Cela entravait sa progression et elle termina son ascension totalement gelée, frigorifiée. Mais au sommet, la vue sur les plaines africaines qui semblaient s’étendre jusqu’aux confins du monde lui redonna l’énergie nécessaire pour amorcer la descente. En haut du mont, elle apprécia cette puissante magie qu’elle sentait en elle et pour la première fois depuis que Derek l’avait abandonnée, elle ne pensait plus à lui avec tristesse.

La redescente se passa sans encombre et le soir de son arrivée, elle alla reposer ses os meurtris dans une auberge de Machamé. La ville était le départ de beaucoup d’expéditions touristiques vers le toit de l’Afrique. Sinéad ressentait à présent l’appel des sommets et elle souhaitait tester une autre voie d’abord pour changer de chemin quelques peu. Ce fut en recherchant des informations sur cette autre montée possible, qu’une agence touristique sorcière lui proposa de l’embaucher. Elle n’aurait qu’à faire monter les touristes qui désiraient gravir la montagne, sans contrainte de chemin imposée ! En effet, on lui assura qu’elle était parfaite pour le job : polyglotte, aimable, souriante, et très douée pour cette ascension ! Là où l’on mettait habituellement une semaine au minimum pour gravir la montagne, la druidesse n’avait mis que trois jours ! Trois jours d’une transe intense, un voyage spirituel qui l’avait connectée plus que jamais à son élément.

Elle accepta car cela lui permettait de ne pas avoir à extraire de joyaux pour payer sa nourriture et son gîte. Elle guida donc les touristes sorciers pendant deux ans dans leur ascension du Kilimandjaro. Elle choisit le chemin d’abord le plus simple, qui ne demandait pas un niveau excellent pour monter. Parfois, quand le groupe qu’elle escortait lui semblait plus aguerri, elle changeait d’itinéraire, rajoutant quelques difficultés aux touristes. L’expédition durait donc neuf jours : huit de montée, neuf de descente, au terme desquels Sinéad allait prendre un repos bien mérité pendant une petite semaine avant de repartir pour une autre ascension. Là où certains auraient trouvé cela répétitif, la géomancienne ne s’en lassait pas, ressentant systématiquement la puissance de Gaïa l’envahir. Et puis, elle s’amusait avec les touristes, leur apprenant le nom des rares végétaux qu’ils trouvaient sur leur passage, leur apprenant à trouver de l’eau au creux des rochers, guettant avec eux la nuit tombée les habitants animaliers de la montagne. Et si elle ne parlait pas trop dans la journée, elle appréciait un brin de discussion le soir venu.

Un matin, l’entreprise qui l’embauchait lui fit une nouvelle proposition. On lui avait promis une nouvelle montagne et ce qu’on lui donnait était suffisamment éloigné pour satisfaire sa soif de voyage et assez haut pour satisfaire son amour des hauteurs. Elle accepta donc de partir sans délai vers cette nouvelle destination et posa sa main sur le portoloin qu’on lui avait créé sans hésiter une seule minute.


Chapitre 12 – Juin 1994 – Juillet 1998 Cuzco, Pérou

La Cordillère des Andes n’est pas le Kilimandjaro, toutes les hauteurs ne sont pas les mêmes. Sinéad le comprit d’emblée en arrivant à Cuzco au Pérou. A peine eut-elle atterri non sans pertes et fracas sur le sol de l’agence touristique où elle devait travailler qu’elle fut frappée par l’absence de force terrestre. Elle prit ses fonctions et après une visite plus éprouvante du sentier qu’elle devait emprunter avec les touristes sorciers. Les sensations n’étaient pas absolument absentes, mais plus faibles et au fur et à mesure du temps, la druidesse comprit que ce qu’elle ressentait et qui l’habitait lors de ses ascensions africaines, c’était le magma qui avait brûlé pendant des siècles au cœur du volcan éteint. En subsistait une aura magique qui la mettait dans cet état de transe et lui donnait la force pour monter jusqu’au sommet, au bord du cratère autrefois rempli de lave.

Elle ne souhaitait donc pas continuer indéfiniment à gravir la Cordillère des Andes et projeta de retourner à ses amours anciennes : la botanique. Aussi, après un an d’exercice en tant que guide touristique, la druidesse démissionna pour installer son herboristerie dans le quartier sorcier de Cuzco. Elle construit à nouveau une cabane en retrait de la ville et se battit une renommée qui devait la suivre pendant ses années au Pérou. Elle embaucha bien vite un apprenti, Renàn, à qui elle transmit nombre de savoirs, un apprenti qui lui fit même part de son envie de devenir lui-même géomancien.

Ainsi, comme Tannja avant elle, elle lui enseigna les étapes à franchir pour faire grandir le don qu’il sentait posséder, elle accomplit les rituels anciens que la mage finlandaise avait accompli auparavant, le guidant dans sa quête. Au terme d’un apprentissage d’un an, Renàn était prêt. Le jeune homme de vingt-cinq ans maîtrisait son art et Sinéad trouva en lui un allié dans son action qui visait à aider au mieux la communauté dont elle faisait maintenant partie. Elle remercia bien sûr encore une fois Tannja pour ses enseignements, lui expliquant qu’elle avait elle-même permit à un sorcier désireux de communier avec la Terre d’advenir à ses fins.

Renàn était un travailleur acharné, qui apprenait religieusement toutes les leçons de la druidesse, chacun s’accordait pour dire qu’il lui vouait une admiration sans faille ; seule la rousse ne remarquait pas sa ferveur et le zèle dont il faisait montre auprès d’elle. Elle le considérait comme son ami, peut-être même comme le petit frère qu’elle n’avait pas eu et ce fût tout naturellement qu’elle lui conseilla de partir lui aussi en voyage autour du monde. Elle lui suggérait de partir d’abord pour Slieve Aughty puisqu’il semblait vouloir connaître le lieu de sa naissance, mais aussi de rendre visite à la communauté du Lac Junttiselkä et de gravir un volcan comme le Kilimandjaro. Mais le jeune péruvien désirait plus que tout restait auprès d’elle et remit son départ à plus tard nombre de fois.

L’été 1997, Meriel vint passer deux mois chez sa demi-sœur, ce qui ravit énormément cette dernière ! Elles passèrent des soirées entières à se raconter leurs vies depuis leur séparation quelques années auparavant. La jeune femme avait débuté son apprentissage de la médicomagie et s’épanouissait dans sa profession, fière elle aussi de sa différence qu’elle portait en étendard, tant et si bien qu’elle était respectée par beaucoup et admise par presque tous. La rencontre entre Meriel et Renàn se passa à merveille, ces deux esprits libres et idéalistes communiaient parfaitement et leurs yeux semblaient parler un langage qu’eux seuls connaissaient au vu des longs moments qu’ils passaient à s’observer l’un l’autre. Sinéad remarqua tout de suite l’alchimie entre ces deux êtres et fut la première témoin de l’idylle naissante qui n’était point sans lui rappeler sa propre histoire d’amour.

Au terme de la visite de Meriel qui devait s’en retourner à Londres pour étudier, Renàn annonça à sa mentore qu’il accompagnait la sorcière qui avait ravi son cœur. C’est avec plaisir qu’elle le poussa même à la quitter pour partir avec sa bien-aimée, heureuse de voir deux cœurs s’aimait tant que ces deux-là.

A nouveau seule, l’envie de voyager commençait à nouveau à tarauder la druidesse nomade… Elle vendit donc son herboristerie, sûre de ne pas y revenir dans l’avenir et prit un billet de train moldu pour rallier Ushuaïa : le bout du monde.

Chapitre 13 – Juillet 1998 – Septembre 1998 Ushuaïa, Argentine

Elle céda l’herboristerie à une jeune guérisseuse de Cuzco qui avait été sa collaboratrice durant ses années péruviennes et sauta donc dans le train qui ralliait la ville millénaire à Ushuaïa : le bout de la Terre, un lieu splendide qui la faisait rêver depuis des années et des années. Le voyage en train en lui-même était un véritable enchantement. Depuis toujours, et depuis sa rencontre avec la moto - qui était depuis son moyen de transport favori -, Sinéad était passionnée par la technique moldue et ces machines prodigieuses qu’ils avaient su inventer.

Sinéad n’avait jamais été d’une nature à discriminer les moldus, elle avait vécu en compagnie des uns et des autres, sorciers comme moldus et n’avait jamais ressenti une quelconque hostilité envers les non-magiques. Pour elle, tous étaient un rouage de la grande machine terrestre et tous avaient un rôle et les conflits n’avaient pas lieu d’être si ce n’est qu’ils pouvaient être les témoins d’une rupture d’un équilibre. Et si les humains avaient tendance à concentrer l’équilibre entier de la Terre entre leurs mains, ils étaient bien loin de la vérité car Sinéad le savait, elle, l’harmonie du tout était nécessaire à l’harmonie de chacun et les Hommes n’ayant pas encore trouvé le moyen de vivre en harmonie avec leurs environnements pour la plupart, comment pouvaient ils espérer trouver la paix entre eux ou en eux ? Un jour viendra où tout sera réglé et ce jour sera celui où chacun trouvera l’harmonie avec le sol qu’il y a sous ses pieds et tout ce qui l’entoure, la druidesse en était persuadée.

En attendant, elle ne s’occupait pas des conflits, peut-être était pourrait-ce être jugé comme un comportement égoïste de sa part, mais en réalité elle se tenait au courant des événements et si elle était révoltée de voir les agissements de Voldemort et de ses sbires, elle ne prenait aucune part ni à la résistance, ni à la collaboration car elle ne voulait pas intervenir dans la grande horlogerie du monde : les choses se finiraient comme elles le devraient et tous se fourvoyaient en ne voyant pas qu’ils étaient seulement des pions sur le grand échiquier céleste. De tous temps, les druide.esse.s de Slieve Aughty ou du monde entier s’étaient tenu.e.s à l’écart des grands déchirements guerriers qui agitaient les peuples, refusant d’intervenir car profondément pacifistes et profondément fatalistes sans être pessimistes. Il y avait un destin, un fil que suivaient les événements et le plus court chemin vers la paix universelle était de laisser libre cours aux événements. Ces peuplades étaient persuadées que si tout le monde suivait cet enseignement, tous pourraient vivre en harmonie, acceptant ensemble les coups du sort et unissant leurs efforts de façon universelle et internationale vers un grand destin commun : celui du partage et de l’entraide entre chaque vie sur Terre. Et c’était ce pourquoi elle n’avait pas pris part à la Bataille de Poudlard, même si elle était encore une fois assurée du bien fondé de sa pensée car l’affrontement qui eut des conséquences désastreuses pour chaque parti avait engendré une fin bénéfique pour les communautés et sorcières et moldues.

Après quelques semaines de voyage, la druidesse rousse parvint jusqu’au but attendu et à peine descendue du train, elle prit un bus qui partait vers Tolhuin, un village un peu moins peuplé de la province de la Terre de Feu. La force du magma terrestre était omniprésente et l’enivrait, si bien qu’elle aurait pu marcher jusque là-bas mais elle voulait arriver vite loin des touristes de la seule ville de la Terre de Feu. Tolhuin était une petite bourgade perdue au creux des montagnes enneigées du bout du monde. Là, après avoir trouvé une pension peu onéreuse, Sinéad décida d’acheter une vieille moto : un modèle de Harley datant des années 80, dans le style de celle qu’elle avait conduit des mois durant aux Etats-Unis des années plus tôt avec son gang.  

Sur le dos de son engin vrombissant, elle parcourut pendant un mois cette terre sauvage, s’arrêtant au gré de sa route pour gravir des sommets à pieds, trouver refuge dans des cavités naturelles qui l’accueillait comme si elle était le fruit de cette nature elle aussi. Elle se nourrissait des paysages incroyables qui l’entouraient, s’enfonçant de plus en plus loin, perdant tout contact avec l’humanité. Puis un jour, dans cette solitude immense, elle trouva une tente. Une simple petite tente, montée sur des piquets, un petit feu de camp juste devant et une ombre : des cheveux noirs flottant doucement dans la brise de la Terre de Feu, une silhouette féminine qui s’affairait dans ce campement de fortune. Alors, après des semaines sans croiser un autre représentant de son espèce, la druidesse ressentit de la curiosité pour cette autre âme errante.

Elle s’approcha alors de la tente, bien sûr, la moto qui n’était pas de première jeunesse produisait un vacarme faramineux. Elle réalisa alors que l’on devait se demander comment une machine de ce genre pouvait fonctionner dans un lieu si reculé. Sinéad avait tout simplement enchanté la moto, qui fonctionnait à l’énergie magique uniquement. Elle posa le pied et la béquille de sa Harley devant la jeune femme aux yeux noirs qui la regardait les bras croisés, interloquée.
Elle lui apprit qu’elle s’appelait Kali. Elle était une jeune femme indienne qui parcourait le monde avec son sac à dos pour seul bagage et ses jambes comme seul moyen de transport. Elle avait quitté sa famille très traditionnaliste pour vivre sur les routes, une fugue motivée par un besoin de liberté qui ne l’avait jamais quittée depuis. Il va sans dire que la druidesse se retrouvait dans l’histoire de cette nouvelle rencontre. Elles décidèrent de faire la route jusqu’à Rio Grande dont elles n’étaient pas très loin : Kali s’en retournait en Asie et Sinéad n’avait jamais encore été en Asie malgré le nombre de ses voyages. Elles roulaient toutes les deux sur la moto enchantée de la sorcière qui se trouvait elle aussi enchantée par le charme de sa compagne de voyage. Au gré du trajet, les deux jeunes femmes se trouvèrent encore plus de points communs et une complicité qui n’en finissait pas de grandir et si Sinéad était un peu échaudée par son histoire avec Derek, elle ne pouvait ignorer ce courant qui circulaient entre elles.

Leurs amours furent passionnés, leur relation, irrémédiablement, devait se consumer intensément, elles cédèrent à la force de l’accroche sentimentale qui se manifestait si clairement entre elles deux. L’irlandaise trouvait dans ses bras l’amour brut qu’elle avait ressenti avec Derek, la douceur de ses étreintes avec Agate. La jeune femme, dont Sinéad était l’aînée de cinq ans, trouvait en la druidesse la sagesse et la douceur qui contrebalançait son impulsivité. Kali la convainc même de reprendre l’avion : seul moyen de rallier le Tibet et la suite de leurs aventures.


Chapitre 14 – Septembre 1998 – Février 1999 Tibet

Elles sillonnaient les routes, vivant leur amour aussi furieusement que leur soif d’espaces, de voyage et de nature. S’éloignant encore et toujours de tout ce qui les rattachaient à la vie des Hommes et communiant avec les forêts tibétaines. La jeune moldue n’en finissait plus de s’émerveillait devant les prouesses de la géomancienne, tandis que Sinéad aimait à l’observait alors qu’elle déployait des trésors d’ingéniosité pour advenir à ses fins, apprenant auprès d’elle des méthodes de survie en milieu sauvage.

Elles ne parlaient pas beaucoup durant leurs longues marches journalières, tous les soirs elles montaient la tente de Kali et elles s’entassaient dedans, toutes les deux savourant la proximité de leurs corps chauds. La druidesse avait le sang chaud, comme si le magma terrestre coulait en permanence dans ses veines, ce qui était une chance pour les deux femmes, étant donné que cette période de l’année était très neigeuse dans cette région.

Leur quotidien fut très similaire pendant des mois, jusqu’en février 1999. Kali souhaitait partir en Australie avec sa bien-aimée, pour s’immerger dans le bush australien, profiter de ces étendues rougeoyantes qui faisaient croire aux visiteurs qu’ils cheminaient en réalité sur la planète rouge. Mais l’intensité de leur relation s’était consumée, brûlant tout sur son passage, incendiant tout ce qui les rattachait au monde extérieur à leur couple, cette passion profonde les avait quittées et Sinéad ne voyait pas de raison à ce qu’elles continuent à voyager ensemble. Pour éviter une autre déception amoureuse, la druidesse préféra couper le lien tant qu’il en était encore temps. Il était temps pour elle de rentrer à Slieve Aughty, afin de mettre sa vie en ordre et de décider quoi faire après ces années d’errance internationale.

Elle laissa donc partir Kali, qui respectait sa décision avec philosophie et qui brûlait de rencontrer l’Australie. Sinéad n’avait jamais oublié Derek et le manque qui subsistait en elle depuis ces années où il avait totalement disparu de la surface du globe. Elle savait que son histoire avec Kali devait être passagère dès l’instant où elle avait passé sa main dans sa chevelure brune. Car tout la ramenait vers lui, Derek. Elle ne souhaitait pas l’oublier, mais le meilleur moyen de vivre en paix avec sa peine était de retrouver les siens. Elle prit donc une nouvelle fois la route de Slieve Aughty, en créant un portoloin qui la déposa au sein même de sa communauté.
Chapitre 15 – Février 1999 – Août 1999 Slieve Aughty, Comté de Galway, Irlande

Le retour à la maison de Sinéad ne se passa pas tout à fait comme prévu. Après une dizaine d’années d’absence dans une communauté dont elle n’avait que très peu fait partie à l’âge adulte, elle ne trouvait pas ses marques. Malgré la place importante qu’elle avait occupé auprès des siennes et l’affection que lui portaient les membres de son clan, la rousse n’était plus à sa place à Slieve Aughty. Siobhan, elle, était ravie. Elle coulait des jours heureux en compagnie de sa chère Alayna, avait reçu la visite de Meriel et de Renàn quelques mois auparavant : tout ce qui manquait à son bonheur était le retour de sa fille adorée.

Devant le bonheur de sa mère et les petites attentions que lui réservaient les membres de la communauté, Sinéad prit la décision de laisser une chance au village de son enfance. Elle s’investit donc dans l’école des druidesses où l’on apprenait aux petites les rudiments de la magie. Elle-même n’avait pas bénéficié de ces cours puisque Siobhan avait tenu à s’occuper de ces enseignements, mais cette petite école permettait aux mères de travailler ou alors de se reposer justement et certaines enfants avaient besoin de plus d’encadrement que d’autres. Sinéad avait déjà enseigné auparavant avec Renàn, mais cela n’avait plus grand-chose à voir car des enfants de moins de dix ans n’ont pas les mêmes attentes ou besoins qu’un adulte désireux de se former.

Elle réussit néanmoins à inculquer des bases de botanique à ses élèves et à les éveiller à la magie de la nature qui les entouraient en leur révélant les secrets des plantes des collines irlandaises et leur faisant des démonstrations de confection de potions en tous genres. Elle parvenait à les intéresser avec des méthodes de pédagogie qu’elle découvrait au fur et à mesure mais même cette tâche qui avait un côté très plaisant et noble pour la transmission orale des savoirs, si chère à son clan, avait aussi un côté lassant et Sinéad regrettait son élève péruvien.

En 1999, une université d’un nouveau genre ouvrit ses portes en Ecosse. Les nouvelles parvinrent jusqu’à Slieve Aughty et la druidesse se montra très intéressée par ce concept : elle avait vécu avec des sorciers, des moldus et dans beaucoup de régions du monde : la mixité culturelle lui tenait grandement à cœur ! La ville d’Atlantis revendiquait cette mixité, et c’est pourquoi Sinéad prit la décision de quitter les druidesses de Slieve Aughty afin de gagner l’île de Manadh et l’Université Paracelse d’Atlantis afin d’y enseigner la botanique.

Chapitre 16 – Septembre 1999 – 2001 Atlantis, Royaume-Uni

Ce fut une expérience splendide que celle d’enseigner la botanique à de jeunes esprits eux-mêmes passionnés par les plantes magiques. Elle s’installa dans une maison troglodyte pour être au plus proche de la Terre, son alliée de toujours et cultivait un jardin fantastique dans les prairies battues par les vents de Manadh.

Elle retrouva même Derek, qui, malheureusement fut assassiné. Son amant n’était autre qu’un membre émérite de la pègre, marchand d’art volé et baignant dans d’autres affaires illicites. Sa mort laissa Sinéad dans une tristesse intense, même si elle savait très bien qu’elle le retrouverait lorsque sa propre heure aurait sonné. Ce qui la chagrinait le plus était le fait que le petit être grandissant dans son ventre ne verrait jamais son père ; tout comme elle, cet enfant grandirait sans présence paternelle, avec sa mère comme seul repère.

Part 2.
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