Perdue - Maria Iannone

L’heure est déjà bien avancée dans la nuit. Les quelques étoiles visibles dans le ciel noir le sont aussi depuis le bureau de ce membre de la Camorra. Frénétiquement, son stylo s’écrase à un rythme régulier sur son bureau alors qu’il est plongé dans ses pensées. Il ne s’attendait certainement pas à ce qu’un jeune homme débarque dans son coin privé.  Le jeune claqua sec la porte du bureau et s’appuya contre celle-ci, comme attendant quelque chose.

- Orazio qu’est ce qui te prend ?! On t'a jamais appris à frapper avant d’entrer !?
- J’avais besoin de te parler, seul à seul.
- Ok et qu’est-ce que tu veux ?!
- J’ai besoin plus d’en savoir sur Maria Iannone.
- La chef de l’unité Nuovo ?
- Oui. Je ne la comprends pas, je n’arrive pas à la cerner. Je ne sais pas si je peux lui faire confiance.
- C'est ta supérieur je te signale tu lui dois le respect ! Tu veux un avertissement ?
- Non ça ira merci. Je suis là depuis un mois et je ne sais rien du tout d’elle.
- Bon. En soit je peux comprendre que ça soit déroutant et vu qu’elle ne te dira rien d’elle-même je vais le faire.
- Je t’écoute.

« Si je devais commencer par une chose, je dirais qu’elle est casse-couille. Ca tu as déjà dû le remarquer. Rien ne lui plait jamais, elle ne peut jamais être 100% d’accord avec quelqu’un, et elle le fait savoir. Pour ça elle grogne, fort. On dirait que crier est son passe-temps favori. De sa voix aigüe de femme mais imposante, Maria marque son autorité et sa position. C’est une leadeuse dans l’âme, jamais elle ne se laisse marcher sur les pieds. Ça aussi tu as du t’en rendre compte par toi-même. Depuis que tu es ici, combien de fois t’a-t-elle reproché quelque chose ? Surement une trentaine de fois, voir même plus vu ta fâcheuse tendance à ne rien écouter.

En dehors de ça, Maria est une grande solitaire. Très réservée, elle ne parle d’elle que très rarement, préférant reporter son attention sur nous, les membres de la Cammora. Il y a même des fois où elle n’a même pas besoin de parler. Simplement son aura et son regard nous font comprendre que quelque chose cloche. Je ne sais pas comment l’expliquer, c’est assez compliqué, mais on ressent sa présence, celle d’une hors-la-loi. A son âge c’est tellement rare que ça en surprend encore certains.

Mais si tu réussis à briser sa carapace de pierre, on découvre une personne de grande confiance. Je lui confierais ma vie sans hésiter, et je pense que beaucoup sont d’accord avec moi sur ce point. Maria a dédié sa vie à notre organisation, et elle n’a qu’une parole. Cette mafieuse est également très protectrice. Chaque membre de son unité compte autant qu’elle-même. C’est aussi un peu pour ça qu’elle crie beaucoup, pour ne laisser personne déraper et commettre une erreur qu’il pourrait regretter. Visiblement ça tu ne l’as pas encore compris.

Parfois, elle essaie aussi d’être une jeune femme normale, même si elle sait qu’elle ne le sera jamais. Elle ne l’a jamais été. Alors de temps en temps tu pourras la trouver sur un toit ou cacher derrière un arbre en train de chantonner avec sa guitare. Un peu de tout, dans des rythmes différents mais l’entendre ainsi réchauffe le cœur. On se sent un peu meilleur, l’espace d’un instant… »

Le jeune homme resta muet, sans rien répondre, comme insatisfait par cette description que lui a mené son supérieur. Pedro soupire.

- Je ne comprends pas comment tu peux ainsi douter d’elle après ce qu’elle a fait pour toi. Tu sais très bien que presque personne ne l’aurait fait.

- Peut être mais ce n’est pas la question. Elle l’a fait elle l’a fait, elle assume maintenant. Mais moi ce n’est pas ça que je voulais savoir. Je veux savoir qui elle est, qu’elle est son histoire…

Orazio tu commences sérieusement à me taper sur le système ! C’est quoi ton problème ?! Tu veux pas faire comme les autres et lui faire confiance. Je te répète que c’est ta supérieure, tu lui dois le respect !

Parce que moi je ne suis pas comme ces moutons ! Je suis nouveau dans l’unité Nuovo mais je suis dans la mafia depuis ma naissance et jamais je n’ai vu une équipe comme la nôtre. Nous sommes un groupe d’une quinzaine de personnes entre 16 et 22 ans. Notre leadeuse en a 20 et à part le parrain, personne ne supervise nos actions. Comment une unité aussi libre que la nôtre et constituée exclusivement de jeune peut-elle exister ?! Et comment notre leader peut-elle être aussi jeune ?! Je ne partirais pas d’ici sans réponse !

Pfff, qu’est-ce que tu es fatiguant….

« Maria est née il y a un peu plus de 20 ans maintenant à Naples dans notre cher pays dans un petit appartement de banlieue. Ses parents n’avaient pas prévu son arrivée. N’étant pas très riche, il ne voulait pas s’encombrer d’un enfant qui leur couterait un bras. Elle est issue d’un « accident ». Mais d’après ce que j’ai compris, leurs familles respectives voyaient très mal l’idée de l’avortement. Tu sais la région catholique tout ça tout ça, abandonner son enfant est un pécher et j’en passe. Alors elle est belle et bien née.

Cette gamine a toujours eu des idées qui tranchaient avec les enfants de son âge. Alors que les garçons voulaient être footballeurs ou pompiers et les filles de belles princesses, Maria voulait, quant à elle, partir à l’aventure et quitter les sentiers battus. Elle ne voulait pas s’en remettre à des comptes merveilleux pour enfant. Des rêves surréalistes qui n’en valaient même pas la peine. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi rationnelle. Pour Maria, Dieu est le plus grand mensonge de l’humanité. C’est aussi pour ça qu’elle fait tout le temps la gueule quand vous allez dans des Eglises pour piquer les tableaux.

Son petit train de vie s’est poursuivie jusqu’à ses 10 ans sans encombre. Enfin sans encombre tout est relatif quand on sait qu’elle passait sa vie à trainer dans les ruelles à essayer de percer les mystères de la ville, et particulièrement des quartiers mal famés. Je ne sais pas pourquoi elle s’est intéressée à ça d’ailleurs. Toujours est-il que ses parents lui laissaient une liberté totale. Même si sa mère n’était pas tout à fait pour, son père disait que ça allait l’endurcir et qu’elle deviendrait une fille forte. Elle avait des résultats corrects à l’école et se comportait bien. Aucune raison pour eux de s’alarmer. Pour eux, Maria était un exemple d’enfant modèle.

Tout changea à ses 10 ans, ou plutôt la situation s’est dégradée à ses 8 ans. C’est aussi quand elle avait cet âge-là que la mafia est rentrée dans sa vie. Ses parents traversaient une mauvaise passe. Son père a perdu son emploi et c’est lui qui ramenait la majorité de l’argent au foyer. Et pour purger leur peine, quelqu’un leur a conseillé une merveilleuse poudre blanche que tu connais bien : la cocaïne. C’est à partir de cet instant que la descente aux enfers commença. Ses parents sont devenus très rapidement accros, et pour s’en procurer il fallait passer par des organismes illégaux, comme nous. Chaque mois, ils achetaient leurs doses. Et ça a duré 2 ans.

Au fil du temps, après 2 ans de dépense quotidienne sans pouvoir retrouver un travail, les dettes se sont accumulées et ils sont arrivés au stade où ils ne pouvaient plus rien payer. Cela faisait trois mois qu’ils repoussaient les paiements, sans aucune garantie de voir un jour cet argent. Ils promettaient qu’ils pourraient payer, que sa mère allait gagner plus pour combler les manques. Mais l’argent ne venait pas. Et tu sais ce que cela signifie. Quand les dettes s’accumulent trop, il faut éliminer le client. C’est ce que nous avons dû faire avec Francky, mon meilleur ami et collègue depuis des années.

Quand nous sommes arrivés chez eux, nous avons trouvé deux personnes droguées jusqu’aux os, incapable du moindre effort physique, à cause de la dépendance. Quand ils nous ont vus forcer leur appartement, ils savaient que leur vie était terminée. Ils ne se sont même pas débattus quand Francky et moi avons dû leur coller une balle chacun dans la tête. Pour nous, ce n’était que la routine. Une exécution parmi tant d’autres.

Leur appartement était dans un piteux état mais nous voulions quand même l’inspecter, au cas où nous pourrions retrouver quelques restes de coke non consommés. Nous nous attendions à tout sauf à ça. Cachée derrière une porte, une jeune fille était là, la peau sur les os, complètement meurtri par la faim et le manque de soleil, nous regardant sans rien dire. C’était Maria. Elle ne pleurait pas, elle ne disait rien, elle nous fixait simplement de ses yeux foncés, comme attendant que nous réagissions les premiers.

Par réflexe, j’ai pointé mon pistolet sur son visage, prêt à l’abattre. Elle nous avait vus, et elle serait clairement capable de nous identifier si elle devait nous dénoncer aux flics. J’allais l’abattre, comme je l’ai déjà fait des millions de fois. Mais étonnement, Franckie m’en empêcha. Il s’est approché de cette fille et la prise dans ses bras. Elle était légère comme une plume, comme si son corps n’était plus que poussière. Cependant il restait son regard qui ne nous lâchait pas d’un pouce. Il la cacha sous son manteau et quitta l’appartement, l’emmenant avec nous. Plus tard, j’ai su que Maria lui rappelait sa fille décédée sous les effets de la même drogue. Son instinct paternel a refait surface, il ne pouvait se résoudre à l’abandonner à une mort certaine. C’est ainsi qu’elle entra dans la Camorra. Je me souviens comme si c’était hier de la première chose qu’elle a dit une fois arrivée ici. Franckie lui avait demandé si elle n’était pas trop triste d’avoir perdu ses parents, pour être gentil tu vois, et la seule chose qu’elle a répondu était « J’ai perdu mes parents il y a 2 ans déjà. Leur esprit n’est plus depuis trop longtemps. Aujourd’hui, vous avez simplement mit fin aux souffrances de leurs corps. »

Franckie a ensuite définitivement adopté cette fille. Elle est devenue sa petite protégée. Il la considérait presque comme sa propre fille et très vite, Maria l’a vu comme un père. Il n’a jamais cherché à cacher notre « métier » ni même nos convictions mais étonnement elle n’a jamais cherché à les remettre en question. Maria a simplement fait ce que l’on attendait d’une nouvelle cammoriste : elle a exécuté les ordres. Sa première année, après qu’elle ait reprit une meilleure condition physique, elle s’est mise à exécuter toutes les tâches administratives de la Camorra. Le sale boulot. Elle n’a pas rechigné sa position. Maria savait qu’elle était nouvelle et donc pas fiable. Même en étant la protégée de Franckie, bien placée dans les échelons, elle ne pouvait pas se permettre d’ouvrir la bouche.

En parallèle, elle a appris à être plus qu’un larbin. Grâce à son mentor et père de substitution, Maria a appris à se battre et à manier les armes à feu ainsi que les poignards. C’est elle qui l’a voulu, il ne l’a jamais forcé. Pour tout te dire, il aurait même préféré qu’elle reste en dehors de ça. Mais c’était trop pour Maria. Elle ne pouvait pas rester une coquille vide toute sa vie, errant sans but. Elle devait se trouver une raison de vivre, sinon elle allait devenir folle. Cette année a vraiment transformé Maria, peut-être même trop.

Je me souviens que le jour de ses 11 ans, pile un an après son arrivée, une autre fille de son âge est arrivée dans nos rangs. Il s’agit d’Alessia. Tu la connais bien elle aussi puisque c’est ta cousine. Toutes les deux se sont très vites entendues et sont devenues inséparables. Elles se comprenaient, elles étaient semblables l’une l’autre. Maria avait perdu ses parents à cause de la drogue, et ton oncle et ta tante ont été tué alors qu’eux aussi devaient descendre un accro. Destin croisé si on peut le dire ainsi.

Franckie, pour la récompenser de sa loyauté et de ses efforts,  a décidé de la placer dans une section précise : le vol d’œuvre d’art. Cela impliquait des responsabilités, plus importantes que de trier les papiers et faire le café mais il estimait qu’elle en était capable, et il avait bien raison. Alessia a intégré l’unité, prête à se rendre utile. Leur première mission s’est très bien passée. Leur petite taille était un bon atout pour se faufiler dans les lieux visés et ressortir en discrétion. Tout allait pour le mieux et cela a duré ainsi 7 ans. 7 ans de vols de tableaux dans les musées de quartier, les Eglises, et les bijouteries parfois aussi. De vrais petits trésors qui nous rapportaient une fortune. Ces 7 années ont également permis à Maria de s’affirmer devant les autres. Petit à petit, elle devenait plus forte, plus impulsive. Son esprit de leadeuse se forgeait d’années en années. De plus en plus, les membres la voyaient comme un vrai bout de femme à qui il vaut mieux éviter de trop tenir tête, même si Franckie et moi nous avions toujours l’image au coin de la tête de son corps squelettique recroquevillée sur lui-même que nous avions trouvé.

Pendant ce temps-là, Franckie et moi étions toujours dans la même section : l’assassinat. Si un client ne paye pas, on l’exécute. Fin. Ce sont les choses dont on parle le moins, les plus tabous. Maria n’aimait pas voir son mentor faire ça, car elle savait ce il risquait, mais il n’avait pas le choix, il avait signé pour ça.

Sauf qu’un jour, il est arrivé ce qu’il arrive à beaucoup d’entre nous. Le jour des 18 ans de Maria, Franckie a été assigné à un autre assassinat, sans moi cette fois-ci. Je me souviens parfaitement qu’il avait dit à Maria qu’il reviendrait vite pour pouvoir fêter sa majorité avec nous tous. On avait préparé une grande fête pour ça, quelque chose d’énorme pour notre protégée. Heureux comme tout de voir son « bébé » grandir, il a filé vers sa tâche, qui devait être identique à toutes les autres. Mais cette fois-là, il n’est jamais revenu. Nous lui avons laissé 24h mais les règles s’appliquent à tout le monde. Si un exécuteur n’est pas revenu au bout de 24h confirmer le décès de la personne visée au parrain, on le considère comme mort.

Toutes ses affaires personnelles ont été mises au feu. Les cris de Maria étaient atroces. Elle hurlait à pleins poumons pour que l’on arrête de détruire son image, que l’on conserve son identité. Mais c’était impossible. Tout a brûlé, même sa photo préféré de lui et Maria un peu plus jeune après sa rémission. Il ne fallait que plus rien subsiste. La seule chose qui est passé au travers des mailles du filet est sa guitare, qui est revenue à Maria. Je crois que c’est d’ailleurs la seule fois que je l’ai vu verser des larmes. Elle donne l’illusion d’être intouchable, mais voir le feu géant alimenté par la vie de son mentor avait été trop dur pour son cœur. Elle venait d’à nouveau perdre son père.

5 jours plus tard, le cadavre de Franckie a été retrouvé dans un camion de congélation, pendu par la gorge comme un morceau de viande. Maria n’a jamais pu voir son corps, elle n’en a pas eu le droit. Seule une personne sait où il repose en ce moment, et ce n’est même pas moi, son meilleur ami. Le pauvre Franckie n’a pas eu le droit à une sépulture correcte. Après ça, Maria a teint sa mèche rebelle en rouge, pour ne jamais oublier ce que l’on risque et que rien n’est jamais acquis d’avance, que même les meilleurs peuvent tomber.

Cependant, elle a fait quelque chose que personne n’avait imaginé. Maria a pris son pistolet et a disparu. Quand nous avons su que l’arme avait disparu et que le nom de la cible de Franckie avait été révélé, son objectif est devenu beaucoup plus clair. Elle a voulu finir le travail de son mentor, exécuter la cible. Beaucoup avait parié sur sa mort suite à ça. Mais moi, je savais qu’elle allait revenir en vie. Elle n’y serait pas allée pour salir la mémoire de son père. Et j’ai eu raison de croire en elle puisque le lendemain, elle s’est présentée dans le bureau du parrain comme si de rien n’était. Elle l’a saluée dans la plus grande des traditions et a offert au parrain le gros bracelet en or de sa cible, signe qu’elle était belle et bien morte. Les rumeurs disent que le parrain en voyant ça a souri.

Après ça, le parrain lui-même l’a promu chef d’unité et lui a permis de la composer. C’est à ce moment-là que ton unité a pris sa forme actuelle. Elle n’a recruté que des gens jeunes, qui avaient vécu des choses affreuses mais qui sont dévoués à la mafia comme elle ou Alessia, qui supervise l’unité. L’unité Nuovo était officiellement née. Les recrutements s’enchainaient et votre groupe de 15 s’est constitué et reste fidèle au poste. Pour un jeune de ton âge, intégrer cette unité est un vrai privilège car assure une bonne place aux yeux du parrain et un fort taux de réussite. En deux ans, elle n’a enregistré aucune perte, ce qui est extrêmement rare. Même si à cause de toi elle aurait pu nuire à sa réputation. Maintenant elle continue sa vie, en essayant d’oublier la perte d’un être cher, enfin je présume.

Il y eu un grand silence dans la pièce. Orazio ne disait rien et Pedro le fixait d’un air ahuri.

- Qu’est-ce que tu veux de plus ?! Tu en sais beaucoup plus que la majorité des membres. Si elle savait que je t’ai raconté tout ça elle me tuerait.
- C’est bon j’ai eu ce que je voulais merci bien.
Le jeune homme quitta la pièce et ferma la porte derrière lui. Une voix féminine l’apostropha.
- C’est bon t’es content Orazio ?! Tu connais toute ma vie désormais. Orazio rigola à la remarque de Maria, appuyée contre le mur à côté de la porte du bureau de Pedro, le regard froid.
- Oui très content, je savais que Pedro me dirait tout ce que je veux, il est trop bavard.
- Sale petit con.

Maria fit demi-tour pour gravir les escaliers menant aux diverses chambres mais le jeune homme répondit à nouveau.

- Merci pour la balle.

Maria grogna puis gravit les escaliers 4 à 4. Par reflexe, ses doigts viennent se glisser le long du bandage qui fait plusieurs fois le tour de son abdomen. Elle grinça des dents puis se jeta sur son lit en claquant la porte.

- Oula tu as l’air énervé toi qu’est-ce qui a pu te mettre en rogne à cette heure de la nuit ? Lui demande Alessia.
- Ton petit con de cousin a parlé à Pedro de moi et comme un con il a tout déballé sur ma vie. Tu sais bien que je déteste qu’on parle de ça.
- Evidemment que je le sais, et Orazio est un con que veux-tu que je te dise. En parlant de ta vie…
- Oh non tu ne vas pas t’y mettre aussi.
- Il y a 6 jours, quand tu as protégé mon cousin de cette balle qui lui était destiné après que le vol est mal tourné, pourquoi n’es-tu pas morte ? Je veux dire, pas que je ne sois pas contente que tu sois avec moi bien au contraire sinon je ne sais pas si je m’en serais remise, mais j’ai déjà vu des gens mourir pour une blessure moins grave que ça alors même si tu es une battante de nature je ne comprends pas comment tu as pu survivre avant qu’on t’attribue les soins. Une personne normale se serait vidée de son sang en quelques minutes. Tu comprends que je sois un peu perdue.

Maria fixa dans les yeux sa meilleure amie puis se leva d’un bond. Elle décrocha son soutien-gorge de sa poitrine puis le fit passer sous son t-shirt avant d’également enlever son tshirt.

- Euh Maria je voulais que tu m’expliques comment tu avais survécu, pas que tu me fasses un striptease.
- Tais-toi et regarde.

Maria était à présent dos à son amie et désignait ses omoplates. Alessia resta bouche bée, elle n’en revenait pas. Un énorme aigle trônait sur le haut de son dos, les ailes ouvertes dégageant une aura puissante.

- Tu aurais pu me dire que tu t’étais faite tatouée quand même.
- Ce n’est pas un tatouage, c’est Kraal.
- Kraal ?
- Oui, mon Anima qui me permet d’accéder à Magmell.
- Houlaaaa tu es sûre que les médocs qu’on te donne contre la douleur ne te montent pas à la tête ?

Maria soupira puis s’avança vers le miroir de leur chambre commune. Ses doigts frôlent la surface miroitante puis s’enfonce dedans, comme si ce n’était que de l’eau. Alessia, intriguée, s’approcha du miroir et tenta de faire de même mais en vain, sa main ne passe pas. Pourtant, la main de Maria est belle et bien dedans. La grande fille siffla de surprise.

- Bon ok tu n’es peut être pas folle. Maintenant remet ton t-shirt et explique moi ça plus en détail.
Maria exécuta et une fois de nouveau habillée, elle s’asseya à côté de son amie pour tout lui expliquer.

« Tu te souviens il y a deux mois de cette soirée alcoolisée pour fêter la naissance du bébé de Duccio et Fausta ? J’avais un peu bu mais pas trop. Je suis ensuite allée prendre l’air et comme il avait plu pendant la nuit, il y avait des flaques au sol, et l’une d’elle donnait un magnifique reflet. Je me suis alors regardée dedans et à côté de moi, il y avait un petit oiseau sombre. Pourtant, en tournant la tête, je ne voyais aucun oiseau. Intriguée, et aidée par l’alcool qui me fait retrouver mon esprit d’enfant, j’ai approché ma main de la flaque et d’un coup j’ai été aspiré.

J’ai ensuite trébuchée puis je me suis retrouvée sur une grande place. Il faisait nuit et j’étais dos à un énorme miroir. Il n’y avait personne. Les rues étaient désertes, comme si tout le monde dormait. Et à côté de moi flottait cet étrange oiseau. Je me suis frottée les yeux plusieurs fois, pour voir si je ne rêvais pas mais le décor ne changeait pas. Sans savoir pourquoi, j’ai passé de nouveau ma main dans le miroir et je suis revenue à ma position d’origine.

J’ai cru que j’avais rêvé, que quelqu’un avait glissé une substance dans mon verre et que j’avais plané, alors je n’ai pas pris ça au sérieux, l’oubliant presque de ma mémoire. Mais à chaque fois que je passais devant une surface miroitante, le petit oiseau apparaissait de nouveau. Et puis il y a eu l’apparition de cet énorme tatouage dans mon dos que je cachais tant bien que mal bien que son origine restait inexplicable à mes yeux. Je ne voulais pas y croire, alors je l’ignorais.

Mais il y a 5 jours, quand j’ai pris cette balle pour protéger ton cousin, je sentais le sang s’échapper de mon corps. Je me voyais déjà mourir. Cependant, j’ai eu une drôle de sensation, comme si j’avais un contrôle sur l’écoulement de ce liquide rouge qui nous tient en vie. Ce n’était que très léger et juste après j’ai perdu connaissance. Ce n’est que quand je me suis réveillée que tu m’as dit que l’écoulement de sang avait été beaucoup moins important que prévu. J’ai alors repensé à cette sensation. Je savais qu’elle n’était pas naturelle.

Pour vérifier cela, je suis repassée à travers la flaque d’eau, et je suis retournée dans cet autre monde. Du monde m’a abordé un peu dans tous les sens pour me vendre des trucs, je les ais renvoyé chier jusqu’à ce qu’une personne plus calme m’explique que j’étais sur Magmell et que désormais j’étais une contractée. L’oiseau qui volait dans mon reflet était en fait mon Anima, et j’ai passé involontairement un contrat avec lui pour gagner un pouvoir. Très vite, j’ai compris que cet oiseau est l’incarnation de Badb, une divinité féminine incarnant la guerre et le massacre. J’ai trouvé ça très ironique que l’on m’associe cette bête dans ce monde. Même si ici tout le monde comprend pourquoi j’ai abattu cet homme, à Magmell on me rappelle que j’ai quand même mis fin à la vie d’une personne.

Il s’est également avéré que mon pouvoir associé était le contrôle du sang. Si je ne me suis pas vidée de mon sang ce jour-là, c’est parce que mon pouvoir s’est activé de lui-même, si j’ai bien compris. Après avoir récupéré toutes les infos dont j’avais besoin je suis revenue ici, et depuis je n’ai plus replongé. Tu sais à quel point je déteste tout ce qui est utopique, et je ne veux pas faire partit de ce rêve illusoire. Je ferais peut être mieux d’oublier tout ça, la vie serait plus simple.

- Non mais ça va pas la tête ou quoi ?!
- Alessia qu’est-ce qui te prend ?!
- Tu te rends pas compte de la chance que tu as là. Tu as un pouvoir magique qui pourrait nous sauver ! Si tu apprends à le maitriser, tu pourrais t’en servir ici pour nous aider dans des situations difficiles comme celle dont tu as été victime. Ton pouvoir est un don pour nous. Je te propose un marché. Tu vas sur Magmell de temps en temps, je te couvre s’il faut, tu apprends à te servir de ce pouvoir et une fois que c’est fait, tu reviens définitivement ici pour t’en servir à notre compte et tu ne retournes plus jamais sur Mag je sais pas quoi. Ça te va ?
- Mmm ce n’est pas bête. Et puis tu n’as pas tout à fait tort. Marché conclu.

Les deux filles se seraient la main, concluant ainsi leur pacte. Ce qu’elle ne savait pas, c’est que derrière la porte de leur chambre, Orzio se tenait là, à écouter la conversation, un sourire aux lèvres. Il releva doucement son poignet, dévoilant un tatouage enroulé autour du bras.


Le blackout. Total. Puis une vive lumière, et une douleur inexplicable au niveau du cou. Lorsque la jeune femme ouvre enfin les yeux complètement, elle réalise que quelque chose ne va pas. Elle est littéralement pendue à un arbre, par le cou. Malgré la douleur, Maria conserve son sang froid et fait appel à ses pouvoirs pour se créer une faux et se libérer de cette emprise non désirée sur son corps.

Evidemment, la mafieuse s’écrase lourdement sur le sol, sous le regard perplexe de petites créatures étranges. En les fixant, Maria s’exclame.

- Pourquoi on attérit plus par le miroir géant ? Je préférais l’ancienne version si vous voulez mon avis, c’était moins…comment dire…de mauvais goût.

Immédiatement, la jeune femme fait le lien entre ce qui vient de lui arriver et la mort de son mentor et père de substitution. Même si elle n’a pas vu de ses propres yeux sont corps pendus dans ce camion de congélation, l’image lui suffit à lui glacer le sang. Sauf qu’elle a eu la chance de ne pas mourir ainsi.

- Maintenant si vous voulez bien m’excuser, j’ai un entrainement qui m’attend…eh qu’est-ce que vous faites…

Les bestioles (Maria ne voit pas comment les appeler autrement) la traine avec une force étonnante. Impossible de s’en dégager. Plutôt que de résister, la jeune femme a la mèche rouge se laisse faire. De toute façon, il doit y avoir erreur et bientôt on la laissera tranquille. Seulement, au fur et à mesure qu’elle avance, la manipulatrice du sang se sent de moins en moins à l’aise. Et pour cause, elle ne reconnait aucun des lieux autour d’elle. Même si elle ne se rend pas sur magmell tous les jours, le décor n’a pas pu changer du tout au tout en si peu de temps.

- Vous me faites marcher c’est ça ? C’est une blague et vous allez me dire que c’est le pouvoir de quelqu’un ?

Finalement, ces étranges créatures poussent la mafieuse dans un bâtiment qui ressemble en tout point à une mairie. A partir de cet instant, Maria ne tient plus. Elle s’élance directement contre le bureau d’accueil avant de s’écrier.

- On est bien à Magmell là ?!

En voyant le visage perplexe de son interlocuteur, la jeune femme a vite compris la réponse. Alors, elle s’écroule à moitié sur le bureau en ajoutant.

- C’est juste une blague….