déferlante — fiodor

Quelque part entre divin et maudit. Fiodor aux allures d'ange vétuste, avec son regard fuyant et les cernes qui teintent son visage pâle, ses boucles blondes entremêlées, il donne l'impression qu'on vient de le déterrer, plus spectre que chair. La mélancolie qui creuse ses traits, mais au regard dérangeant. Il se connait si peu, ne sait pas quoi faire de lui-même. Naturellement porté vers la gentillesse, on lui a trop vite montré que c'était un jeu dangereux, que dans la vie il valait mieux ravaler les bons sentiments et montrer les crocs. Et pourtant ça le brûle à petit feu de faire ça, le sang séché sous les ongles et la culpabilité prise en travers de sa trachée. Il vit dans les fantômes du passé, le goût amer des regrets à venir sur la langue. La confiance en lui à moins mille, l'impression d'être un fardeau pour les autres, d'être trop maladroit, trop étrange, trop froid, trop émotif, obsédé par la perfection et son incapacité chronique à l'atteindre, pour ensuite détester jouer les âmes torturées comme il le fait pourtant si bien.
Trop sensible, trop bon, et pourtant dénué de chaleur, il aimerait tant être l'une de ces personnes à qui l'on fait confiance immédiatement, à qui on se confesse et dont on cherche la compagnie et la gentillesse. Lui, il est un peu trop en marge, trop complexé pour être un saint ou un ange, au final terriblement humain. Il essaye pourtant, il essaye mais c'est maladroit et c'est tout de travers, mais les intentions sont là.
Fiodor existe dans les contradictions. Il aime le silence de la nuit et la cacophonie de la ville, il a besoin de chaleur (presque désespérément) et pourtant la refuse en se mordant les lèvres. Des fois il se demande s'il le fait simplement pour provoquer, pour se creuser sa place quelque part dans la masse.

 

(en vrac:
porte uniquement des couleurs foncées · croyant (chrétien orthodoxe) · a une excellente tolérance au froid · déteste l'été · préfère le café au thé · a la santé plutôt fragile, attrape un rhume pour un rien et n'est pas très en forme · a un accent très prononcé · écoute énormément de musique · dort très mal · maladroit mais aime bien se servir de ses mains · trimballe un deck de tarot avec lui en quasi-permanence · déteste le small talk et est très mauvais pour maintenir ce genre de conversation · a toujours les mains glaciales · autant il paraît extrêmement inexpressif, il pleure très facilement · ne mange jamais de petit déj · se parle parfois à voix haute · son écriture en alphabet latin est absolument horrible)

Il avait toujours préféré la nuit. Depuis son plus jeune âge, il avait toujours aimé rester dehors jusqu’à ce que le soleil se soit entièrement retiré, jusqu’à ce que le froid se mêle à l’obscurité, que la noirceur engloutisse tout. Il voit le jour au milieu des terres isolées de la Sibérie, ce sont ces mêmes étendues glaciales qui le voient grandir. Petit village où tout le monde se connaît, plus ou moins. Pas le droit à l'erreur, pas le droit aux écarts, nulle part pour s'exiler si ce ne sont que les steppes infinies qui guettent non loin. C'était tranquille jusque-là, silencieux, mais pas tout à fait paisible.

Il avait pris l'habitude de faire la course aux rayons de soleil, obliques dans l'aube matinale. Il passait ses nuits dans l'ombre sélène, enveloppé dans l'obscurité qui lui semblait si réconfortante. C'était à l'insu du paternel. Il rentrait assez tôt pour attraper quelques heures de sommeil en matinée, avant de devoir exister à nouveau, routine infernale. Tomber endormi dans son lit, pour se réveiller beaucoup trop tôt, pris pendant un bref moment dans cet instant où rêves et réalité se confondent, ce flou si déstabilisant, mais qu'il ne détestait pas totalement.

Il restait discret, préférant ses rêveries à ce qui se passait autour de lui. Pas fait pour la vie de communauté, les mots circulent, les rumeurs avec eux. Il prétend que la solitude ne le dérange pas mais c'est faux, tellement faux, chaque jour ça le ronge un peu plus, l'isolement qui l'étrangle doucement, et il maudit son visage inexpressif, fermé et lisse. Vide et vidé, vide de sentiments, vidé de ses pensées parasites comme dans un rituel.

Comme pour remplir le vide, elles apparaissent, et se font de plus en plus présentes. Elles s’immiscent dans sa tête, dans ses tympans, troublent son organisme. Les visions le prennent d’assaut, les voix se font de plus en plus insistantes, elles noient ses pensées à lui. Il ne sait plus ce que ça fait de ne pas ressentir de la fatigue, la douleur qui martèle ses tempes. Fiodor en était persuadé maintenant, il était maudit, et il devenait fou. Il ne compte plus les larmes qui ont dévalé ses joues, si vite gelées par l'air ambiant, et ses doigts trempés de celles qu'il a tenté d'essuyer.
(Après tout, y'a-t-il quelque chose de plus horrible que d'assister en avant-première à la mort de sa propre mère, avec ce sentiment horrible, compte à rebours sans date butoir pour pire torture)


Père et fils face à face, et Fiodor le sait, peu importe les mots qui sortent de la bouche de son paternel, absolument rien ne pourrait le garder ici. Entre la pitié des autres qui le dégoûtait et cette impression d'être prisonnier de lui-même, il étouffait, la claustrophobie des petites rues jamais pelletées et des visages trop familiers. Il lui avait dit peut-être, que c'était juste un au revoir. Mais tous deux le savaient, il n'avait aucune intention de revenir. C'était sûr, ça crevait les yeux et ça transperçait ses mots plats. Un adieu mal déguisé, les derniers mots prononcés en terre natale.

Le nouveau continent. La ville, la vraie, qui ne ressemblait en rien à sa Sibérie maternelle. L'inconnu, partout, sauf pour les quelques façades du quartier recouvertes de cyrillique, survivant tant bien que mal entre les crocs de l'anglais. C'était tout sauf tranquille, ça rugissait, ça hurlait d'existence humaine, et pourtant ce n'était pas encore assez pour noyer le bruit de ses pensées. La seule chose dans laquelle Fiodor pouvait bien se noyer c’était ses dettes. Abandonnant rapidement ses projets d'étude pour se concentrer sur sa survie, il se met plutôt à bosser. Concierge de nuit dans un hôpital. Ça lui convient bien. C'est la nuit, c'est plutôt tranquille, il se plaît à s'exploser les tympans avec de la musique qui joue trop fort dans ses écouteurs. Et toujours, cette envie de la fuite qui s'immisce dans son esprit et dans ses veines.